jeudi 22 mai 2008

Sans honneur ni fierté

J'avais aimé ce KKK, cette impression de faire cours à l'Université de tous les savoirs, leurs questions intéressées, leur bonhommie, j'ai été vraiment heureuse quand j'ai découvert que j'étais classée seconde. Venant d'ailleurs et sans connaître personne, j'ai pu convaincre un KKK!


Et puis la stupeur alors que je viens de découvrir le verdict. Parce qu'en numéro un, il n'y a pas Riri, le killer au CV long comme un marathon sous le soleil avec son postdoc à l'étranger convainquant comme un macaron Pierre Hermé et dont j'étais sûre qu'il aurait le poste. Il n'y a pas Fifi, au CV classique et solide comme une banque suisse, moult conférences et deux postdocs. il n'y a pas Loulou, petit génie de l'audition que j'ai pisté sur la liste des classés au CNRS et sur d'autres listes d'universités.


En numéro un, il y a Gloomy. Gloomy n'a qu'une publication dans une revue qui est d'ailleurs la publication de la seule conférence affichée dans son CV, Gloomy n'a même pas pris la peine de changer le titre. Gloomy n'a pas fait de postdoc, A priori, Gloomy n'a pas été auditionné ailleurs. Gloomy n'a pas postulé au CNRS, ni même peut-être dans une autre université. Gloomy n'a rien fait d'autre que d'être le doctorant du président de la commission de spécialiste. Godechot, Oh Godechot, ils ne savent pas ce qu'ils font, ils sont devenus fous!


J'ai eu honte de mon premier KKK.... J'ai repensé aux "nases" de l'Enervé de Service. Je me suis demandé ce qu'il y avait en ce moment dans la tête de Gloomy, les petits arrangement moraux avec lesquels il bricolait sa dignité pour accepter un poste dans ces conditions-là. S'il avait lu La Fontaine et s'il ne craignait pas le cou pelé du collier du chien. Et je me suis demandée aussi ce qu'il y avait dans la tête du KKK au moment de la réunion finale, les petits arrangements moraux avec lesquels il bricolait sa dignité scientifique de favoriser un recrutement dans ces conditions-là. S'il avait lu La Fontaine et s'il ne craignait d'être ce "peuple Caméléon, peuple singe du maître".


Et j'ai fermé Les Fables dont les personnages et les situations sont purement fictifs et dont, par conséquent, toute ressemblance avec des personnes ou des situations existantes ne saurait être que fortuite, et je suis allée rencontrer mon second KKK.

14 commentaires:

malie a dit…

Et d'une, si çàa trouve Gloomy quand il a commencé sa thèse, il n'avait pas choisi son directeur en fonction de ce genre de critères. Et si ça trouve même, il a des raisons tout à fait externes de ne pas avoir candidaté ailleurs. Par contre celui qui à mon goût devrait avoir comme un pincement en se regardant dans la glace c'est plutôt le président de CS, sur ce coup-là...

Et de deux, toi par contre tu ne les connaissais pas, alors tu n'as pas de fierté à perdre à avoir été classée. Même si du coup, ça te fait une belle jambe... ("la place de la conne", comme le disait poétiquement mon père)

Anonyme a dit…

Long, et pas de moi...


Réponse écrite et adressée au journal Le Monde par un professeur émérite "en réponse à un article publié le 03 mai [dans ce même journal] qui stigmatisait les "candidats locaux" lors des concours de recrutement dans l'enseignement supérieur" et qui ne sera finalement pas publié.
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La construction sociale d'un nouveau type de bouc émissaire : le candidat local

La sociologie à prétention scientifique entend depuis des lustres, à partir du recueil et du traitement quantitatif de données hâtivement considérées comme objectives, expliquer un certain nombre de phénomènes, de situations et de comportements qui poseraient problème, et dont on ne serait pas encore parvenu à démêler l'enchaînement des causes et des effets. Ainsi en va-t-il d'une récente enquête dont un certain nombre de conclusions ont été présentées par le journal Le Monde du 02 mai 2008. A en croire Catherine Rollot, auteure d'un article intitulé La cooptation des universitaires est mise en cause , on aurait, ce serait une première, réussi à quantifier « l'endogamie » qui minerait l'université et qui aboutirait, au sein des structures chargées de procéder aux recrutements des maîtres de conférences et des professeurs, à privilégier les candidats locaux. Il aurait ainsi été nécessaire, pour parvenir à dénoncer cette scandaleuse situation, de constituer une base de 212 987 thèses soutenues en France entre 1976 et 2000 et de procéder à de multiples recherches croisées aboutissant à la sélection de « 13000 docteurs devenus directeurs de thèses ». ( ?) Et il apparaîtrait alors que cette pratique courante (l'endogamie) aurait été « forte jusqu'à la fin des années 1980 ». Faut-il rappeler que nous sommes en 2008 ? Par ailleurs et malheureusement, les chiffres fournis par le ministère permettraient seulement « de mesurer la part du recrutement local mais pas le localisme, c'est-à-dire de la préférence systématique pour les candidats locaux ». On aurait évidemment souhaité disposer d'informations susceptibles d'éclairer la nature et les raisons de cette distinction. On croit comprendre, à la lecture de cet article, que les chercheurs auraient travaillé sur l'ensemble des universités et des disciplines et que, pour certaines de ces dernières, la préférence locale pourrait varier de 50 à 500 ! On apprendra enfin que, depuis le milieu des années 1990, des associations de doctorants et d'enseignants chercheurs auraient dénoncé la cooptation et que des pratiques plus transparentes auraient été mises en place, permettant de freiner l'expansion du localisme. Autant dire que le scandale serait en voie de résorption. Malheureusement encore, pour en savoir plus, ou pour essayer d'y comprendre quelque chose, le lecteur intéressé devra recourir à la consultation d'un site internet.

Ayant moi-même longuement siégé comme membre, vice-président puis président d'une commission de spécialistes à l'Université de Caen Basse-Normandie et ayant lancé une pétition de soutien aux docteurs injustement privés de postes, j'ai été consterné par la présentation des résultats de cette étude qui, à l'instar des enquêtes du Monde de l'éducation proposant des classements fantaisistes des performances des universités françaises, procède de simplifications abusives et d'omissions inadmissibles. Ainsi, et pour ne prendre qu'un exemple, alors que nous avions été accusés de donner systématiquement la préférence au candidat local dans un ouvrage publié (il y a environ 10 ans) par une sociologue légitimement inquiète, la liste des enseignants-chercheurs recrutés par la commission de spécialistes du département de sociologie de l'université de Caen montre sans la moindre ambiguïté que plus de 60 % de ces enseignants-chercheurs étaient des candidats extérieurs dont la majorité venait de Paris. Par ailleurs, toute étude prétendant apporter un éclairage sur l'existence supposée d'une préférence locale devrait commencer par une présentation raisonnée du train de réformes incessant qui a affecté l'université française depuis un quinzaine d'années. En procédant de la sorte, on découvrirait par exemple qu'au début des années 1990, le ministère a imposé aux équipes de recherches d'inscrire leur travaux dans un champ spécifique pour pouvoir prétendre à l'attribution de crédits et bénéficier d'une reconnaissance institutionnelle : à l'université de Caen, nous avions alors choisi la thématique des risques et créé le Laboratoire d'Analyse Socio-Anthropologique des Risques (LASAR). De nombreux étudiants manifestèrent alors, dès leur inscription en licence, un intérêt pour le type des recherches qui s'y développait (sur la catastrophe de Tchernobyl, les OGM, les pathologies environnementales, les toxicomanies, etc.) et décidèrent, ce qui les conduisait de facto à se spécialiser, de réaliser leur doctorat au LASAR. Les conséquences de cette réforme furent ainsi de deux types au moins : la spécialisation ouvrait d'abord la voie à la détermination de postes profilés (donc à une diminution de l'offre) sur l'ensemble du territoire et conduisait mécaniquement et tout aussi légitimement les candidats à essayer d'être recrutés par le laboratoire qui les avait formés ; pour les mêmes raisons, les membres des commissions de spécialistes sachant que les chances des docteurs qu'ils avaient formés en socio-anthropologie des risques d'être recrutés par un département ayant, par exemple, privilégié comme thématique de recherche les nouvelles formes de travail et la précarisation, étaient particulièrement minces, furent également amenés à porter une attention particulière aux dossiers présentés par les candidats locaux. A prendre ces éléments en considération, on pourrait espérer interrompre le processus de stigmatisation des candidats locaux (la France d'en bas ?), de leur assignation à la position, moralement inacceptable, de boucs émissaires.

Mais pour espérer démêler l'arborescence de causalités qui participe de la production du phénomène, il faudrait également procéder à l'analyse des pratiques de l'écrasante majorité des enseignants-chercheurs qui, bien que n'étant pas membres des commissions de spécialistes, contribuent de façon indiscutable à la contraction de l'offre de postes et à la perversion des règles de la compétition, par leur recours impénitent aux heures complémentaires. Il faudrait encore, puisque l'on ne peut ici prendre que quelques exemples, s'intéresser de plus près aux procédures et aux modalités de sélection des candidats à l'obtention du sésame, la qualification, par les représentants du Conseil National des Universités (le CNU). Les procédures d'élection des membres du CNU ont en effet, depuis des années, donné lieu à la création de véritables réseaux de pouvoir dont les affrontements pèsent lourdement sur le destin des postulants aux fonctions de maîtres de conférences ou de professeurs. Il serait par exemple possible, pour rétablir la légitimité républicaine et le fonctionnement démocratique de cette institution, de procéder chaque année, par tirage au sort, à l'attribution d'un mandat d'un an aux enseignants-chercheurs remplissant les conditions générales d'accès à cette responsabilité. Il faudrait enfin interdire le cumul des mandats et des fonctions, limiter le nombre de membres des commissions de spécialistes qui engendre un absentéisme structurel et faire en sorte qu'il ne soit plus possible de devoir examiner 200 à 300 dossiers de candidatures en une quinzaine de jours.

Yves Dupont, Professeur émérite de socioanthropologie à l'Université de Caen et ancien Directeur du LASAR

Anonyme a dit…

Bon courage pour la suite des auditions! Moi aussi, j'ai eu sur ma route quelques Gloomy... Et il y en a encore à venir.
Mais après tout, s'ils trouvent vraiment que ce sont là des conditions de recrutement justes et honnêtes, je ne peux blâmer les membres des KKK de ne pas me prendre. Je n'ai que du mépris à leur offrir!

Anonyme a dit…

Crachez au visage de vos KKK,brulez-les, désertez vos universités, mais avant, informez les étudiants qui y entrent de leur non avenir...

Envie de participer à la à l' "Academic pride" pour dire à quel point l'on est fier de nos institutions de recherche et d'enseignement universitaire?

Ne regrette rien Kalaï, ils ne te méritent pas ;o)

Anonyme a dit…

En fait, pour l'instant, il y a un phénomène dont on ne parle pas, et qui est pourtant dans ma section très fort, ce sont les commissions "satellites", fortement noyautées par deux ou trois membres d'une même équipe de recherche extérieure à la com et qui place ici ses pions.
Dans une variante idéale du wiki audition de B Coulmont, il faudrait indiquer, outre la composition des coms, le rattachement labo des membres. Je suis très convaincu qu'il serait parfois beaucoup plus parlant que le pur rattachement universitaire (dans le cas auquel je pense, il s'agit d'une umr qui a des membres un peu partout)

Pandore a dit…

Mirza, le cauchemard de l'aspirant MCF, c'est l'abonnement en seconde classe. Mais il parait cyniquement que "c'est bon pour l'an prochain" .

Anonyme 1, il est dans l'ordre des choses que les gardiens du temple le défendent et il est toujours facile d'accuser le système pour éviter les remises en cause personnel. On pourrait juste se demander pourquoi, alors qu'elle multiplie les procédures pour éviter le localisme, la France fait encore partie du peloton de tête des recrutements locaux.

Anonyme 2, merci et bon courage à toi aussi, j'espère qu'il te reste aussi quelques échéances prometteuses...

Anonyme 3, promis quand la campagne est passée, je te poste ma réponse au crachat à la face des KKK. Là, le coeur n'y est pas vraiment. Pas d'Academic Pride pour moi cette année, je l'ai fait du temps où il fallait "Sauver la Recherche", là, je ne sais plus trop ce qu'il y a à sauver...

Anonyme 4, il y a mille et une manière de verrouiller le recrutement : en satellite comme tu l'exposes mais aussi en mafia. Dans mon ancien labo, la plupart des membres, même les extérieurs étaient "dépendants" du président de la commission : anciens doctorants ou amis débiteurs, personne n'avait les mains libres pour discuter en toute quiétude des mérites des candidats, il s'agissait avant tout d'écouter la voix de son maître.

Anonyme a dit…

C'est ca le plus terrible, penser qu'il n'y plus rien à sauver - et tenter encore notre chance, d'années en années, dans ces mascarades de concours.

Pourtant n'a-t-on pas des idéaux, une vision de ce que pourrait etre la recherche, l'enseignement?

Et si oui, quels outils pourraient etre mobilisés pour faire entendre efficacement la voix de tous ces anonymes dont tu fais partie, toi Pandore...

Entre l'énervé de service, tes témoignages de campagne et ceux d'autres MCF aspirants, n'aurait-on pas à gagner à se regrouper pour dénoncer publiquement les dysfonctionnement?

Signé quelqu'un qui ne croit plus tellement en la possibilité d'un changement mais qui cherche encore à se convaincre qu'il a tord

Anonyme a dit…

Riri, fifi et loulou ont-ils été classés?

Pandore a dit…

Anonyme 4, peut-être qu'un autre wiki plus axé sur l'analyse des résultats pourrait permettre de gagner en transparence. En indiquant qui est local et éventuellement avec des données objectives : nombre de publis,d'heures d'enseignements, etc. Mais je crains que cela ne change pas les pratiques. Il faut sans doute mieux attendre la réforme pour voir si les comportements évolueront.

Anonyme 5, Riri a été classé cinquième, Fifi est troisième et Loulou a sans doute été jugé trop bien placé sur les autres postes : il n'a pas été classé.

Anonyme a dit…

Plus ca change, plus c'est la même chose...
A propos de la LRU et des mutations que l'on attend tant.

Anonyme a dit…

A propos de l'Academic Pride justement dont parle Anonyme 4, j'ai publié sur mon blog la raison de ma non participation, message relayé sur le site de la SLR.. N'hésitez pas, Pandore, M'Irza et tous les autres anonymes démobilisés à y réagir (sur mon site ou celui de la SLR qui a relayé ce message et semble tjs s'interroger sur le pourquoi certains précaires ne manifestent pas)

Pandore a dit…

Caroline, je te rejoins sur la non-participation et posterai ici en ce sens...

Un appel aux précaires : "Anne et Marine Rambach, auteurs d'un essai intitulé Les Intellos précaires, paru en 2001 aux Editions Fayard, préparent un nouveau livre sur la question. Elles recherchent des témoignages de chercheurs et enseignants précaires, sur Paris ou Lyon (pardon mais budget déplacement oblige), disposés à raconter leur parcours, leurs conditions de travail, leur choix ou non choix, etc. Sciences dures bienvenues. Sciences humaines aussi en fait. L'anonymat peut être conservé. mail marinerambach/att/aol.com. "

Anonyme a dit…

Dommage qu'aucune des adresses d'Anne et Marine Rambach ne fonctionnent ça va pas être simple de témoigner...

Pandore a dit…

Bizarre, je leur ai pourtant écris sans souci. Je vais vérifier l'information...