vendredi 16 mai 2008

Le syndrome de la salle d'attente du dentiste


Je me doutais que mes épisodes 5 et 6, parce qu'anticipés, n'étaient que des spéculations fantasmagoriques de jeune vierge de l'audition . Maintenant que je suis passée de l'autre côté, je le sais : l'enfer ce n'est pas le KKK, l'enfer c'est l'antichambre du KKK. J'aurais lire Jean-Sol Partre avec plus d'application.

Hommage à Dante, on a peuplé l'antichambre de gorgones au regard assassin, de monstres mous et suants, de diables glissés dans des costumes encore étiquetés. On m'a pesé, soupesé, mesuré, on a toisé ma tenue pimpante (merci B.C), ma silhouette, le poids de mon sac et la couleur de mes chaussures. On m'a sourit avec tant de haine que j'ai vacillé. J'ai traversé les neufs cercles de l'enfer de l'angoisse, gravit ensuite les sept gradins de la montagne du stress avant de m'élever avec soulagement dans les neufs sphères concentriques du KKK.

On a convoqué tout le monde à 9h donc tout le monde est là, en poste, même si certains savent qu'ils ont plus de 2 heures à attendre. L'antichambre est une salle de cours dont on a rangé les tables contre le mur, dehors il y a la vie, du soleil et des arbres. Dedans ça suinte d'angoisse et de peur. Au lieu d'aller humer le vent dans les feuilles printanières, tout le monde reste là, à ne rien dire, une courtoisie forcée, à peine un bonjour.

Le tableau blanc nous renvoie en miroir la vacuité de notre situation. Je n'ai pas osé proposer rigolarde qu'on se fasse des auditions blanches pour passer le temps. Apparemment les autres n'avaient pas envie de rigoler. J'avais envie de jouer aux cartes, de boire des cafés en parlant de rien, on aurait pu comparer nos directeurs de thèse : tout docteur a des anecdotes croustillantes sur son ancien mentor. Un jour, quand je serai en poste, vieille, je les raconterai peut-être ici. On aurait pu se raconter nos rêves de la nuit quand on s'est réveillé à 3h pensant qu'on était en chaussons devant le KKK. On aurait pu se moquer de nos hésitations hier entre la chemise blanche et la chemise bleue, on aurait pu se dire que venir de Madrid, Genève, Bordeaux ou Metz, c'était dur mais qu'on y croyait.

Mais on est resté chacun dans notre coin à ruminer notre angoisse, le poids de nos 10 ans de recherche, la menace de notre vie à venir... Toutes les demi-heures, le Grand Maître venait chercher l'agneau sacrificiel à immoler sur l'autel de la décision. On écoutait nos Ipod, on lisait un bouquin, personne n'ouvrait son ordinateur alors que tout le monde en avait un. On aurait pu jouer de nos peurs au lieu de laisser siffler les serpents qui s'agitaient dans nos ventres.

Peut-être que c'était plus facile pour moi, parce que je n'y croyais pas vraiment (Tremble Illusion, Godechot est mon livre de chevet, je suis la Schopenhauer de la Recherche). Peut-être que si j'avais été l'un des trois locaux, l'enjeu aurait été différent et je n'aurais pas eu envie, moi non plus, de faire causette avec une Pandore inconnue qui souriait. Ca doit être louche pour un local un étranger qui sourit et qui a l'air tout zen.

Une fois mon numéro de chien savant joué, j'ai pensé que décidément, si ça ne marchait pas, ma consolation serait que ce monde-là était bien trop grave pour moi.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

et l'audition est encore en cours ou vous avez les résultats?
(moi j'ai eu la variante avec une affiche qui annonçait une conférence d'un des candidats/concurrents, dans l'antichambre de l'abattoir)

Pandore a dit…

Pour cette audition-là, j'avais la liste des auditionnés, l'effet a été le même qu'une affiche dans l'antichambre de l'abattoir : que d'accointances avec le lieu où j'allais!

Pour le résultat, oui, je l'ai, mais il faut que je le digère un peu avant de le blogger, disons que je suis dans l'épisode 6;)