mardi 17 novembre 2009

Sidérantes amours sidérales

Mon très cher Galak,

Entre nous, plus de haine que d'amour. Sans cesse la mer me ramène embrasser tes blancs rivages où j'écorche ma patience et mes kalai kalai elpides. Il me faut sans cesse revenir en ton sein chercher ce que pourtant tu te refuses à m'offrir. Sans cesse, je me heurte à toi que je fuis.

Comme les amants maudits, je me jure cent fois de t'oublier et de ne plus me perdre en tes méandres et cent fois je rechute et reviens à toi.

Tu as un nom de trou noir, de lessive qui lave à coups de sulfates, de faux chocolat pour enfant obèse qui geint devant le frigidaire, tu es toujours en retard, toujours en dérangement, jamais disponible, jamais arrangeant. Ton logo ressemble aux balbutiements artistiques de ma mamie quand elle découvrit Paint à la fin du siècle dernier, tu es hébergé en terres de rois consanguins, là où les glaces ne renvoient dans la galerie que des images d'elles-même.

Et pourtant, je suis la Juliette de Victor, la Simone à son Jean-Paul, l'Héloïse de l'Abélard, l'Elsa de Louis, la Gabrielle de son bon roi Henri, la Cléopâtre de l'Antoine togé, oui, je te l'avoue, bien à regret, je suis la Pandore de la Galaxie.

Tu me sonnes et moi j'accours, tu me siffles, je me prosterne. Tu m'avais dit "Lundi, c'est promis! Lundi tu sauras". Et moi, comme la plus misérable maîtresse crédule d'un homme marié, j'attends depuis hier de savoir à qui envoyer mes prochains dossiers de qualification et dans la case Rapporteurs, tes mots cruels, noir sur gris, triste sur terne : NON DESIGNES.

Et le pire est que nous sommes sans doute mille, nous sommes sans doute cent à attendre ainsi que tu honores le moindre de tes engagements. Un jour, je tatouerai le fronton du 1 rue Descartes d'un sanglant GALAXIE SALAUD!

En attendant, je t'attends...

dimanche 15 novembre 2009

Mai au coaltar, novembre au trimoir...

Un blog c'est bien mieux qu'un chien. Déjà ça vous laisse tranquille le matin : en quatre ans de blogs, je n'ai jamais été réveillée par une langue râpeuse et fétide et des halètements rauques m'incitant à enfiler un imper sur ma nuisette pour aller saluer le trottoir, le cheveu crêpé rasta sur l'oeil en berne en attendant que mon blog trouve dans un ravissement béat son réverbère préféré.
Le blog ne perd pas ses poils, au pire, on y laisse quelques plumes. Le blog sent rarement mauvais, au pire, on supprime le troll.
Le blog prend rarement votre oreiller pour un partenaire sexuel, et même si cela arrivait, la concrétisation physique serait difficile. Quand le blog s'oublie, cela ne porte pas vraiment à conséquence.
Et surtout, quand vous voulez partir en vacances, vous n'avez pas besoin d'attacher votre blog à un arbre derrière la station pétrolière tueuse de cormorans plantée sur l'autoroute pollueuse tueuse d'automobilistes.

Il vous suffit de le laisser, inachevé. Sans scrupule. Le "Blog Inachevé", ça donne envie de se pâmer d'extase parce qu'on se prend pour Aragon. Ca réjouit d'aise, on se dit que le blog est le vrai lieu du Mentir-Vrai cher au poète cher et on se gratte le ventre d'aise d'avoir trouvé un manifeste artistique pour draper sa paresse et sa lassitude.

Je me suis donc bien grattée les côtes et j'ai laissé cet été mon blog en brandissant le Chapitre Uno des droits du bloggeur : le droit de ne pas écrire, ne droit de ne pas répondre aux commentaires, le droit de ne pas publier les textes écrits, le droit de faire le mort, le droit de me taire.

Dans le Chapitre Dos, je stipule le droit de reprendre le blog n'importe quand, le droit de publier des vieux articles écrits au printemps dernier, le droit de mentir encore sur les lieux des villes où j'ai passé mes auditions pour tromper Tintin, et les Dupont, et Sherlock, et Rouletabille, et Roger Lapin, et Adamsberg, et tous ceux qui portent un imper pour une raison autre que sortir le chien en nuisette ou trainer à la sortie des schola de la République pour exhiber un piteux attribut délaissé.

En j'en profite illico pour publier un texte écrit il y a 6 mois, parce qu'à relire la douleur d'alors, elle me semble à la fois bien futile et bien profonde.

"Solitude dans la grande salle.
Les autres sont partis, le dernier celui d'avant moi est en train de se vendre.
Solitude dans la grande salle.
Face à moi, les champs, de grandes herbes pâles qui ondulent souples et légères dans l'été étouffant.
L'haleine fiévreuse du champ rentre par la fenêtre, un des membres du KKK est venu l'ouvrir tout à l'heure.
La peur comme une boule qui irradie au plus profond. Pour la première fois, j'ai peur d'un KKK. Est-ce parce que je suis seule dans la grande salle, face au monde des possibles, dans 40 mn tout sera joué. J'aurai parlé, ils refermeront la porte derrière moi et parleront de nous et joueront pour l'un d'entre nous l'air d'une ère sans errance.
Solitude dans la grande salle, une salle de réunion, table beige, chaises tout autour, comme dans toutes les autres universités de France, un peu belle, on n'est pas dans n'importe quelle université de France, il parait qu'on est en terre d'excellence. Il y a longtemps, quand j'étais jeune gambadante dans les champs de l'espoir du monde meilleur où le ciel était bleu, j'étais dans une classe où on nous disait que si on arrivait là, on serait l'élite de la nation. Aujourd'hui, on me juge pour être digne d'enseigner à l'élite de la nation, faute d'avoir pu en être. Le destin est facétieux, j'ai envie d'appeler Madame Ayatollah, professeur d'anglais, qui me prédisait un destin de vendeuse chez Tati si je finissais à la fac. Envie de faire un téléphone qui crie pour lui dire que je suis dans les lieux qu'elle croyait seuls capables de fabriquer l'élite de la nation.
En attendant, table grande, chaises abandonnées en désordre, d'autres s'y sont assis tout à l'heure. On a parlé, du localisme, de la pénurie de poste, des lieux d'où l'on venait, des lieux où on irait. On s'est catalogué en silence: toi trop jeune, toi trop timide, toi candidat sérieux... On a parlé pour rompre la glace de silence. Mais ils sont tous partis et je suis la dernière au bout du couloir dans la grande salle.
Je fais semblant de lire, mais ça ne lit pas.
Je respire comme il faut, pour que le corps apaise mon esprit qui se cabre, halète, roule comme un félin en cage. Je gonfle le ventre puis les poumons. Ca ne se gonfle pas.
Je n'avais pas peur les autres fois, est-ce un signe? J'aimerais y croire et me dire que ces hautes herbes resteront par la suite la mémoire du moment juste avant celui où j'ai réussi mon destin.
Ce n'est qu'un poste, un tout petit poste, une audition parmi d'autres. Mais je suis seule dans la grande salle au bout du couloir et j'attends qu'on vienne me chercher. A chaque pas qui résonne, le tambour s'affole. Les pas s'arrêtent avant le couloir et ils ne sont pas nombreux. C'est la fin de journée et je suis la dernière, seule dans la grande salle. Après moi, ils refermeront la porte et parleront de nous.
Demain, il faudra leur téléphoner. En attendant, je regarde hypnotisée les herbes qui ondulent, j'ai peur de ma vie à jouer."

Et le lendemain, j'ai téléphoné.
Et 6 mois plus tard, on ne sait plus trop pourquoi c'était si douloureux, si vital, on l'a oublié et on sait pourtant qu'en mai prochain, cela sera aussi si douloureux, si vital, coupant comme du cristal. Cristal qui songe, demain les chiens...