mardi 15 décembre 2009

"Rien ne rend l'esprit étroit et jaloux comme l'habitude de faire une collection"

Quand il était petit, mon frère avait une collection très originale : une collection de collections.

Il y avait les timbres, papillons de papier coloré, rectangles voyageurs stampés d'encre effacée, bien rangés sous une bande de plastique rigide, bien plaqués sur le canson noir d'albums alignés sur l'étagère.

Il y avait les pin's, rondelles métalliques à l'attache indétachable, qui trouait le tissu et rouillait en larmes brunes, en vrac dans une boite en plastique qui avait dû, dans une autre vie de salle de bain, contenir des cotons-tiges.

Il y avait les insectes, trouvés au jardin, sèches sauterelles aux pattes fuselées, grasses mouches strassées de glauques saphirs et de troubles émeraudes , araignées rétrécies aux pattes repliées dans la mort, tous et toutes ailes et pattes épinglés sur la plaque de polystyrène qui jaunissait.

Il y avait les cartes téléphoniques, rectangles froids et mats, messages publicitaires, nombre d'unités, une pile de plastique qui sentait la cabine, odeur métallique d'urine et d'haleine de toutes les conversations échangées.

Il y avait les bouteilles de coca-cola, toutes les langues, toutes les tailles, fer et verre, camaïeu de rouge plus ou moins fané, la mondialisation en action jusqu'à la petite voiture de métal à la tôle faite de canettes recyclées.

Il y avait la tablette aux horreurs, cadavres momifiés de souris, cadavres écrasés de grenouilles imprudentes sur la route, longuement séchées au soleil du macadam, os de rongeurs dégagés à la pince des pelotes de déjections des oiseaux de la nuit aux plumes fines et d'autres macabres trophées posés sur le pin blanc.

Il y eu sans doute aussi la collection d'escargots vivants dans la boite à chaussures, de têtards du printemps qui ne devinrent jamais grenouilles en été, de coquillages des plages bretonnes qui fleuraient la marée, de chapeaux du monde entier, tant et tant de collections qui furent un jour montées au grenier puis jetées quand la maison fut vendue.

Depuis trois ans, je collectionne à mon tour de drôles d'objets, des diplômes archaïques sur des parchemins signés à l'encre par des présidents d'université en toge, des articles scientifiques qui finiront au grenier, des auditions avortées avant l'été, des espoirs fanés exposés comme des monstres, des postdocs strassés de vide qui comble les projets de l'ANR

Hier, j'ai repris le chemin familier de la poste, pour compléter ma collection de numéros de qualification, j'en ai déjà deux, un par année de candidature. Jamais deux sans trois, j'ai ressorti mon dossier à convaincre, l'ai un peu toiletté pour la section nouvelle et l'ai imprimé en deux exemplaires qui partiront vers le Sud qui chante et l'Est qui neige. Hier j'ai recommencé un dossier CNRS à ajouter aux autres cadavres de dossiers de ma collec'. Hier j'ai ajouté un article à grenier à mon Curriculum Vitae, cette monstrueuse collection de collections qu'on jettera peut-être quand la maison sera vendue.

mardi 17 novembre 2009

Sidérantes amours sidérales

Mon très cher Galak,

Entre nous, plus de haine que d'amour. Sans cesse la mer me ramène embrasser tes blancs rivages où j'écorche ma patience et mes kalai kalai elpides. Il me faut sans cesse revenir en ton sein chercher ce que pourtant tu te refuses à m'offrir. Sans cesse, je me heurte à toi que je fuis.

Comme les amants maudits, je me jure cent fois de t'oublier et de ne plus me perdre en tes méandres et cent fois je rechute et reviens à toi.

Tu as un nom de trou noir, de lessive qui lave à coups de sulfates, de faux chocolat pour enfant obèse qui geint devant le frigidaire, tu es toujours en retard, toujours en dérangement, jamais disponible, jamais arrangeant. Ton logo ressemble aux balbutiements artistiques de ma mamie quand elle découvrit Paint à la fin du siècle dernier, tu es hébergé en terres de rois consanguins, là où les glaces ne renvoient dans la galerie que des images d'elles-même.

Et pourtant, je suis la Juliette de Victor, la Simone à son Jean-Paul, l'Héloïse de l'Abélard, l'Elsa de Louis, la Gabrielle de son bon roi Henri, la Cléopâtre de l'Antoine togé, oui, je te l'avoue, bien à regret, je suis la Pandore de la Galaxie.

Tu me sonnes et moi j'accours, tu me siffles, je me prosterne. Tu m'avais dit "Lundi, c'est promis! Lundi tu sauras". Et moi, comme la plus misérable maîtresse crédule d'un homme marié, j'attends depuis hier de savoir à qui envoyer mes prochains dossiers de qualification et dans la case Rapporteurs, tes mots cruels, noir sur gris, triste sur terne : NON DESIGNES.

Et le pire est que nous sommes sans doute mille, nous sommes sans doute cent à attendre ainsi que tu honores le moindre de tes engagements. Un jour, je tatouerai le fronton du 1 rue Descartes d'un sanglant GALAXIE SALAUD!

En attendant, je t'attends...

dimanche 15 novembre 2009

Mai au coaltar, novembre au trimoir...

Un blog c'est bien mieux qu'un chien. Déjà ça vous laisse tranquille le matin : en quatre ans de blogs, je n'ai jamais été réveillée par une langue râpeuse et fétide et des halètements rauques m'incitant à enfiler un imper sur ma nuisette pour aller saluer le trottoir, le cheveu crêpé rasta sur l'oeil en berne en attendant que mon blog trouve dans un ravissement béat son réverbère préféré.
Le blog ne perd pas ses poils, au pire, on y laisse quelques plumes. Le blog sent rarement mauvais, au pire, on supprime le troll.
Le blog prend rarement votre oreiller pour un partenaire sexuel, et même si cela arrivait, la concrétisation physique serait difficile. Quand le blog s'oublie, cela ne porte pas vraiment à conséquence.
Et surtout, quand vous voulez partir en vacances, vous n'avez pas besoin d'attacher votre blog à un arbre derrière la station pétrolière tueuse de cormorans plantée sur l'autoroute pollueuse tueuse d'automobilistes.

Il vous suffit de le laisser, inachevé. Sans scrupule. Le "Blog Inachevé", ça donne envie de se pâmer d'extase parce qu'on se prend pour Aragon. Ca réjouit d'aise, on se dit que le blog est le vrai lieu du Mentir-Vrai cher au poète cher et on se gratte le ventre d'aise d'avoir trouvé un manifeste artistique pour draper sa paresse et sa lassitude.

Je me suis donc bien grattée les côtes et j'ai laissé cet été mon blog en brandissant le Chapitre Uno des droits du bloggeur : le droit de ne pas écrire, ne droit de ne pas répondre aux commentaires, le droit de ne pas publier les textes écrits, le droit de faire le mort, le droit de me taire.

Dans le Chapitre Dos, je stipule le droit de reprendre le blog n'importe quand, le droit de publier des vieux articles écrits au printemps dernier, le droit de mentir encore sur les lieux des villes où j'ai passé mes auditions pour tromper Tintin, et les Dupont, et Sherlock, et Rouletabille, et Roger Lapin, et Adamsberg, et tous ceux qui portent un imper pour une raison autre que sortir le chien en nuisette ou trainer à la sortie des schola de la République pour exhiber un piteux attribut délaissé.

En j'en profite illico pour publier un texte écrit il y a 6 mois, parce qu'à relire la douleur d'alors, elle me semble à la fois bien futile et bien profonde.

"Solitude dans la grande salle.
Les autres sont partis, le dernier celui d'avant moi est en train de se vendre.
Solitude dans la grande salle.
Face à moi, les champs, de grandes herbes pâles qui ondulent souples et légères dans l'été étouffant.
L'haleine fiévreuse du champ rentre par la fenêtre, un des membres du KKK est venu l'ouvrir tout à l'heure.
La peur comme une boule qui irradie au plus profond. Pour la première fois, j'ai peur d'un KKK. Est-ce parce que je suis seule dans la grande salle, face au monde des possibles, dans 40 mn tout sera joué. J'aurai parlé, ils refermeront la porte derrière moi et parleront de nous et joueront pour l'un d'entre nous l'air d'une ère sans errance.
Solitude dans la grande salle, une salle de réunion, table beige, chaises tout autour, comme dans toutes les autres universités de France, un peu belle, on n'est pas dans n'importe quelle université de France, il parait qu'on est en terre d'excellence. Il y a longtemps, quand j'étais jeune gambadante dans les champs de l'espoir du monde meilleur où le ciel était bleu, j'étais dans une classe où on nous disait que si on arrivait là, on serait l'élite de la nation. Aujourd'hui, on me juge pour être digne d'enseigner à l'élite de la nation, faute d'avoir pu en être. Le destin est facétieux, j'ai envie d'appeler Madame Ayatollah, professeur d'anglais, qui me prédisait un destin de vendeuse chez Tati si je finissais à la fac. Envie de faire un téléphone qui crie pour lui dire que je suis dans les lieux qu'elle croyait seuls capables de fabriquer l'élite de la nation.
En attendant, table grande, chaises abandonnées en désordre, d'autres s'y sont assis tout à l'heure. On a parlé, du localisme, de la pénurie de poste, des lieux d'où l'on venait, des lieux où on irait. On s'est catalogué en silence: toi trop jeune, toi trop timide, toi candidat sérieux... On a parlé pour rompre la glace de silence. Mais ils sont tous partis et je suis la dernière au bout du couloir dans la grande salle.
Je fais semblant de lire, mais ça ne lit pas.
Je respire comme il faut, pour que le corps apaise mon esprit qui se cabre, halète, roule comme un félin en cage. Je gonfle le ventre puis les poumons. Ca ne se gonfle pas.
Je n'avais pas peur les autres fois, est-ce un signe? J'aimerais y croire et me dire que ces hautes herbes resteront par la suite la mémoire du moment juste avant celui où j'ai réussi mon destin.
Ce n'est qu'un poste, un tout petit poste, une audition parmi d'autres. Mais je suis seule dans la grande salle au bout du couloir et j'attends qu'on vienne me chercher. A chaque pas qui résonne, le tambour s'affole. Les pas s'arrêtent avant le couloir et ils ne sont pas nombreux. C'est la fin de journée et je suis la dernière, seule dans la grande salle. Après moi, ils refermeront la porte et parleront de nous.
Demain, il faudra leur téléphoner. En attendant, je regarde hypnotisée les herbes qui ondulent, j'ai peur de ma vie à jouer."

Et le lendemain, j'ai téléphoné.
Et 6 mois plus tard, on ne sait plus trop pourquoi c'était si douloureux, si vital, on l'a oublié et on sait pourtant qu'en mai prochain, cela sera aussi si douloureux, si vital, coupant comme du cristal. Cristal qui songe, demain les chiens...

mardi 20 octobre 2009

No hay dos sin tres

A l'heure où la châtaigne se blottie frileusement dans sa bogue piquante qui elle-même tente de trouver un semblant de protection sous l'épaisse couche de feuilles mortes dont se pare la terre pour garder un peu de la chaleur de l'été, Pandore sort de son terrier pour ébrouer son poil terni.

La campagne II s'était finie comme la campagne I, retour à la case départ, il n'aura servi à rien de partir à point ni même de courir, La Fontaine pouvait remettre un bonnet de nuit à dentelles et trous de mites. Alors pour éviter l'ingestion indigeste des amertumes et déceptions qui ne servent à rien d'autres qu'à diminuer l'espérance de vie des françaises en augmentant la probabilité d'un cancer du foie, lieu de toutes les biles ruminées, j'avais choisi le black-out. Total. Complet. Je ne parle pas, à personne, et surtout pas à moi-même de la campagne II. Je ne me pose pas de question, je ne pense pas et je m'étais fixée une date, le 1er septembre pour m'autoriser à penser en milieu autorisé et tempéré de ce que j'allais faire de moi, de ma vie et de mon nombril.

Ca a bien marché, ça mérita un post, "Survivre au non-recrutement par l'oubli pour les nuls", un guide de survie noir et jaune écrit par une experte warrior des moments où on sait qu'on ne sera pas MCF. Je vais pouvoir coacher du candidat post-campagnus-animal-triste. Donc, je n'ai pas répondu aux gens qui ne m'ont pas recruté mais qui "ne s'inquiètent pas pour moi car vu mon profil intéressant", je trouverai rapidement un poste, je n'ai pas répondu à mes géniteurs inquiets, je n'ai pas répondu à mes amis attentionnés sur le comment-pourquoi-pour qui de la campagne, je n'ai pas répondu à l'homme cher de toutes les consolations, je n'ai même pas répondu à moi-même qui me demandait où trouver du sens à ces non-sens. Et j'ai suicidé Elpidou, le blog à Elpide de quand elle jacasse et veut s'épancher son coeur babillard et verbiageur dans le moulin à paroles redondant et rabâcheur qui lui sert de concierge commère internationale. J'ai enfoui la carrière, le recrutement, le devenir sous le sable chaud d'un été aussi blanc que le cerveau d'un iceberg qui dérive dérive dérive en fondant doucement.

Début septembre, j'ai rouvert la boite de Pandore, entrebâillé doucement le couvercle pour jeter un coup d'oeil, ça avait l'air d'être calme alors j'ai poussé l'exploration plus loin pour vérifier si mon Elpis était toujours là. Depuis, on converse ensemble, c'est causant comme deux ladies anglaises, c'est cordial comme une entrevue de beaux-parents pour des fiançailles. A causer toutes les deux, je vous avais oubliés. Et depuis quelques temps, ça s'agite ici. Je ne sais pas pourquoi, mais j'ai vu passer Pablo, l'ange blanc de ce blog, j'ai vu passer Avrel, l'ange noir de ce blog, y'a eu le Troll Joseph qui voulait me faire gagner de l'argent avec mon blog. Et puis tout simplement cet anonyme qui disait que je manquais. Elpidou devait me manquer aussi, alors un bon mois après tout le monde, histoire d'être snob, un bon mois après tout le monde, les crayons neufs bien rangés dans la trousse craquante et le cahier vierge de tout gribouillis, Kalai Elpides fait sa rentrée des classes. Bonne année à tous, y'a de la dissertation loquace au programme.

mercredi 10 juin 2009

Les mains sales

Hauts les coeurs, Pandore is back, le temps du deuil et du silence est passé. On reprend son bâton de pèlerinette en se disant qu'on acceptera de le tendre une troisième fois l'an prochain pour se faire battre Pour Noël 2009, je veux une paire de menottes de suspension en latex, une camisole de force en cuir, une corde à bondage, un bâillon à clous et des pinces à tétons pour officialiser lors des auditions de 2010 mon statut de néo-masochiste pécressienne.

Il n'y a pas beaucoup de blogs ou de forum où les aspirants MCF peuvent mêler leurs larmes et leurs accolades fraternelles avant, pendant et après la curée. Mais en cherchant une information, je suis tombée sur le blog d'Hugues Kenfack où s'ébauchaient les échanges d'un embryon de communauté fort instructifs:

  • "Bordeaux m'a renvoyé il y a deux ans mon enveloppe de candidature, ce qui est très gentil... mais les enveloppes rapporteurs n'ont jamais été ouverte..."
(ben voui, mon petit, je l'ai vu faire dans mon labo aussi ce coup-là, puisqu'il y a le nom du candidat sur l'enveloppe, pas besoin de se fatiguer. Je me souviens de M. Mandarine, hilare : "on a reçu 70 dossiers, on va pas lire tout ça!" et sur la table deux piles : les dossiers qu'on allait regarder et les autres...)

  • "Joli coup à Perpignan! Une première lettre pour annoncer qu'on est auditionné le 3 juin, le lendemain une nouvelle lettre annulant la précédente et disant que finalement, ben non, zetes pas auditionnée ma bonne dame!"
(ben voui mon petit, j'ai aussi vu un secrétariat se planter de candidat lauréat sur un poste d'ATER en lisant mal le compte-rendu du comité, forcément on ne s'en est aperçu qu'à la rentrée quand le candidat officiel mais inconnu au bataillon est arrivé avec son petit cartable, sa chemise propre et bien repassée et sa lettre tamponnée : du coup, ils ont pris les deux, l'outsider looser qui avait été officiellement inscrit sur le papier et le lauréat désigné par le comité à qui on avait dit en juin qu'il était pris et qui avait déjà un bureau avec son nom dessus.)

  • "puisque le temps du bilan est presque arrivé, j'ai une question qui me tourmente depuis ma première audition... est-ce que quelqu'un a déjà vu, cette année, un extérieur être recruté?"
(ben non mon petit, les autres, je sais pas mais moi j'ai appris que le vrai candidat extérieur eest un cousin du dahu. Mais après, tout le monde a un ami d'ami qui a été recruté quelque part où il ne connaissait personne.)

  • "C'est clair que le classement n'a plus qu'un rôle symbolique lorsque le candidat classé premier, comme c'est le cas à Tours (ou dans d'autres villes !) sont des locaux..."
(ben oui mon petit, pire l'audition elle-même n'est que symbolique quand les auditionnés et le Comité de Sélection savent avant même le jour J qui sera pris comme à Gloomyland cette année.)

Si vous prenez le temps de lire les commentaires de cet article, vous y trouverez la quintessence de la campagne de recrutement telle qu'elle se pratique actuellement : la gène un peu honteuse du local recruté qui se justifie en rougissant un peu, l'absence assourdissante d'informations dont disposent les candidats avant, pendant et après, les craintes et les angoisses des auditionnés, la complète acceptation du localisme comme une fatalité...

Mais un message a particulièrement retenu mon attention, celui d'un lecteur au nom très approprié à l'issue de cette campagne, l'espoir fait vivre:
"Comment peut-on à la fois reprocher à cette chère Ministre de traiter les enseignants chercheurs comme des malpropres et, en tant qu'enseignant chercheur, se permettre de ne pas ne serait-ce qu'informer les candidats qu'ils ne sont pas admis à poursuivre le concours ?"

J'ai envie de poursuivre :

Comment peut-on reprocher à cette chère Ministre de traiter les enseignants chercheurs comme des malpropres et, en tant qu'enseignant-chercheur,...
  • faire déplacer 10 personnes pour recruter son candidat local;
  • faire déplacer 10 candidats mais ne pas se déplacer soi-même (cf le comité de sélection réduit au minimum légal de 6 personnes à Gloomyland);
  • refuser volontairement d'auditionner de trop bons candidats sous le prétexte qu'ils ne viendront pas parce qu'ils sont trop bons et avec surtout la peur au bas-ventre qu'ils fassent de l'ombre au Gloomy local;
  • ne pas informer les candidats des classements, même 4 semaines après l'audition alors que le CA de l'Université a entériné le truc;
  • dire à un excellent candidat classé second que "l'on ne s'inquiète pas pour eux vu la rare qualite de leur dossier" alors qu'on vient de recruter un local mauvais comme un pou mal coiffé;
  • poser des questions aussi fécondes que "et si on vous classe, est-ce que vous viendrez?" ou "comment expliquez-vous le fait que vous n'ayez pas été recruté l'an passé" alors qu'on recrute en local;
  • recruter un futur collègue avec qui on va passer quelques décennies en 8 mn?
Je reviens sur ce dernier point car il fait écho à une autre lecture indispensable à l'heure où s'achève encore une campagne aussi spongieuse que Bob le carré en mousse:
"Nous nous battons aujourd'hui pour défendre le temps non négociable nécessaire aux universitaires. Or le temps minimum n'existe même pas pour les candidats aux postes de maître de conférence. On sélectionne et jette aussi vite des universitaires en quelques minutes comme dans les pires entreprises."
"dix minutes d'Actors Studio valent plus qu'une réputation nationale déjà acquise ou dix à quinze ans d'expérience dans l'enseignement et la recherche."


Il y a quelques jours, se tenait encore une Academic Pride, et j'avais encore moins envie d'y participer que l'an passé parce qu'une fois de plus cette campagne n'a fait que matérialiser l'Academic Shame qui donne envie d'aller chercher si ailleurs l'herbe est plus douce.

Chers membres de KKK qui avez trimé en cette fin de printemps, et si la défense de la Recherche commençait au jour le jour dans vos labos au lieu d'aller battre le pavé pour défendre votre dignité, la voix haute dans le slogan mais les mains sales sous la banderole?

jeudi 28 mai 2009

Ceux que j'aime

Une ultime réponse, toujours la même... Encore une fois, il y avait quelqu'un sur place qui convenait bien. Merci d'être venue, on a bien aimé la couleur de votre chemisier, vos réponses étaient très pertinentes et "votre enthousiasme pour l'enseignement et la recherche donne beaucoup d'espoir pour l'avenir."

C'en est presque fini de cette seconde campagne sans que je sache si c'est moi qui suis malchanceuse, si M.Mandarin s'est vengé de mes insolences en s'offrant un médium marabout en boubou dont il avait eu le prospectus à l'entrée bouchée d'une bouche de métro pour que je n'enfante que des foetus à deux têtes, ne puisse plus jamais réussir l'omelette norvégienne et l'aligot filant et sois toujours auditionnée sur des postes mités. Ou si Godechot a truqué ses chiffres, 50% de locaux qu'il disait et ça faisait peur. 100% de locaux qu'elle dit, Pandore, et ça vous hérisse les aisselles velues à vous faire lever les bras au ciel. Il y a quelque chose de pourri au Royaume de Pécresse. Comme il y a plein de choses pourries, celle-ci semble bien anodine, certes.

Je n'ai pas voulu penser, m'apitoyer, ni même réfléchir à ce que ça voulait dire, à ce que j'allais faire, à que faire puisque ça se refusait. Je n'ai pas voulu en parler. Avec personne, parce que les gens sont trop gentils "Tu t'est tellement battue, que c'est sûr, à un moment, ça va marcher", "Tu sais DJ, il a mis quatre ans, mais ça a marché", "C'est qu'il y a un poste mieux qui t'attend quelque part, persévère!", "Avec des classements aussi bons, tu es passée à si près à chaque fois"...

Parce que je ne peux leur dire qu'une araignée a bulles fait sa toile en mon coeur et que leurs mots gentils ont le même goût que les
"votre enthousiasme pour l'enseignement et la recherche donne beaucoup d'espoir pour l'avenir." Un sirop doucereux violette-hareng saur qui donne la nausée donc je sors.

Alors je suis allée chez les hommes de mon panthéon, les bien plus sages, ceux qui savent qu'on finit tous sous la terre battue où l'on pleure la bouche pleine, ceux qui savent que l'espoir est le cache-misère morphinique de ceux qui n'ont pas, ceux qui savent qu'il faut rire de tout de peur d'être obligé d'en pleurer. Ceux que j'aime et qui me font du bien parce qu'ils regardent sans fard le monde pourri qui grouille et rampe, sans rien attendre d'autre que la fin qui finit mal.

Je reviens demain peut-être sans doute, on fera des blagues sur les KKK, on reparlera des Gloomy, je vous ferai un bétisier 2009, on fera le clown pour tenir son rôle dans le monde illusion où il faut rire de tout de peur d'être obligé d'en... Mais parce que c'est mon blog, je m'offre une dernière page de glace lasse pour 2009, hommage à ceux que j'aime et qui, ces derniers jours, étaient les seuls avec qui je pouvais EN parler, de mon araignée à bulles. Ca a un peu du ridicule d'un Skyblogs où on aurait copier-coller une citation trouvée en ligne, accolée à une image d'un loup blanc près d'une fille en pleurs qui regarde la lune, mais qu'y puis-je si, depuis jeudi, je n'aime regarder les choses qu'avec les yeux vides de Rudyard, Charles, Louis, Leo et Alfred ...


***********************************************************

Je songe et ne sens plus.
L'épreuve est terminée.

Cela dut m'arriver en des temps très anciens.
Quelqu'un m'a dévoré le coeur. Je me souviens.
Le coeur, quand ça bat plus, c'est pas la peine d'aller,
Chercher plus loin, faut laisser faire et c'est très bien.

Alors ne me regardez pas dedans
Qu'il fait beau cela vous suffit.

Je peux bien dire qu'il fait beau
Même s'il pleut sur mon visage
Croire au soleil quand tombe l'eau
Car je perds ma force et ma vie,

Et mon espoir et ma gaieté.

Je perds jusqu'à la fierté

Qui faisait croire à mon génie.


Quand j'ai connu la vérité, j'ai cru que c'était une amie;
Quand je l'ai comprise et sentie, J'en ai été dégoûtée.
Le seul lot que je retire de ces mois passés
Sera d'avoir trop de fois pleuré.

C'est trop long de vieillir au bout du compte,
Le sable en fuit entre mes doigts,

C'est comme une eau froide qui monte,

C'est comme une honte qui croît,

Un cuir à crier qu'on corroie.


C'est long d'être un humain une chose,

C'est long de renoncer à tout :

Je ne peux voir détruit le rêve de ma vie
Et sans dire un seul mot me mettre à rebâtir,

Je ne rencontrerai pas Triomphe après Défaite

Pour recevoir ces deux menteurs d'un même front,

Je ne peux conserver mon courage et ma tête.

Morne esprit, autrefois amoureuse de la lutte,
L'Espoir, dont l'éperon attisait mon ardeur,
Ne veut plus m'enfourcher!
Je me couche sans pudeur,

Vieille jument dont le pied à chaque obstacle bute.
Résigne-toi, mon coeur; dors ton sommeil de brute.

Car je me sens blanchie comme cette jument fourbue,

Car je me sens glacée dans un lit de hasard,

Car je me sens toute seule peut-être même pas peinard,

Car je me sens flouée par les années perdues.

J'ignorais que le Temps est un joueur avide
Qui gagne sans tricher, à tout coup! c'est la loi,

Le jour décroît; la nuit augmente en moi!

Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille.

Tu réclamais le Soir; il descend; le voici...

mercredi 27 mai 2009

Lépidoptère liberté

Liberté amère sous la plume de Mirza qui a décidé de prendre d'autres envols.

Liberté goûtée dans sa plénitude tant que planent encore quelques possibles. D'ici quelques heures peut-être, ce sera le temps des drames antiques, l'héroïne prostrée ira s'enterrer vive la bouche plein de la terre battue des matchs sans issue. Je mangerai mon oreiller, je maudirai encore M. Mandarine mon mandarin, je trouverai de charmants noms d'oiseaux qui n'existent même pas pour tous les KKK de France qui auront adopté leurs propres enfants jusqu'à l'écoeurement de la consanguinité et l'opacité gluante des incestes consommés.

Liberté sans prix quand enfin j'ai fini mon contrat : je me suis battue jusqu'au bout, parfois peut-être maladroite, parfois vindicative, parfois en vain, mais je suis allée partout, j'ai lutté comme j'ai pu, pour provoquer la chance qui n'arrive jamais seule. Maintenant, j'ai droit à quelques baumes pour les pieds qui ont porté les espoirs, les mains qui ont écrit les projets, les yeux qui ont vu la bonne conscience des regards clairs des KKK, le coeur qui a battu à rompre les silences des salles où l'on attend les mains moites et le coeur coîte.

Je goûte le calme serein de l'oeil d'un cyclone émotionnel, entre ce matin encore plein de tensions et les heures à venir qui seront peut-être si douloureuses. Surtout, si ça n'a rien donné encore cette année, tenir bon, ne pas sombrer, ne pas abandonner, ne pas baisser les bras. Essayer de croire que l'on vaut mieux que ça.

En arrivant à la Gare de mon dernier TGV-aller-retour-dans-la-journée, je me suis offert pour conclure cette campagne des boucles futiles pour parer des oreilles inutiles. Des boucles comme j'aime, longues et légères avec des reflets de couleurs éphémères, qui volent dans le cou comme des papillons d'air.

Peut-être que je ne serai jamais papillon de la Recherche et que je resterai au stade larvaire des cocons qui ne voient jamais la lumière, un petit corps poilu qui aimait bien le goût des feuilles à brouter avec application et qui rêvait au jour où sans savoir que des fois les jours où n'arrivent jamais. Un petit corps emmuré dans un cocon emmêlé dont personne ne l'aidera à se dépêtrer, je serai la momie morte dehors, triste dedans.

Mais là je goûte la quiétude et quand je remue la tête, ça virevolte dans cette accalmie éphémère, moment de grâce dans la campagne, le papillon qui n'a qu'une aile peut s'envoler, moi je l'ai vu, et que m'importent les heures qui viennent, me voilà de douceur pourvue.

mardi 26 mai 2009

Matin brun

Il avait dit: "Appelez -moi demain matin."

C'était courtois de borner ainsi le temps. C'était courtois de prendre ainsi le temps de dire à chacun. C'est le seul endroit où le respect des candidats m'a semblé exister. Parce que, quand j'ai pris contact avec lui, il a passé vingt minutes à me parler, pour me raconter le poste, le contexte politique, leurs envies, leurs attentes.

Il avait dit: "Appelez -moi demain matin."
Alors je suis rentrée sereine, j'ai dormi dans le train, sommeil lourd et paisible. Sans fièvre nerveuse du téléphone qui ne risquait pas à tout moment de me sauter à la gorge. En rentrant, j'ai pris une douche, pris du temps, sans violemment me jeter sur ma messagerie qui ne risquait pas à tout moment de me lancer sauvagement une liste de candidats classés à la figure.

Une nuit.
Se dire que c'est peut-être la dernière nuit des interrogations lourdes, se dire aussi qu'on a pensé la même chose après chaque audition et que cela n'a jamais été finalement que des nuits comme les autres, ne pas s'emballer. Envie de croire que cette fois, c'est différent, envie de ne pas y croire pour ne pas chuter encore.

Un matin, 6h30, se dire qu'"Appelez -moi demain matin.", c'est le matin des gens, pas le sien. Mes matins sont des aurores pâles où tout le monde dort, y compris les KKK. Se demander à quelle heure est le matin. Se rappeler que la veille, on avait décidé que le matin, c'était à 10 heures.

Se dire qu'on appelle pas un KKK en pyjama, se laver, s'habiller, se coiffer comme pour un vrai rendez-vous. Prendre un petit-dejeuner du dimanche, du pain avec du beurre, du vrai beurre avec des petits cristaux de sel. Regarder le bol de lait tourner dans le micro-onde.

A 10h, se dire que tous les autres candidats ont du décider que le matin, c'était à 10h. Alors retarder le moment, profiter du pain à tremper dans le lait, de la douceur de la mie, du beurre qui fond un peu. Regarder le matin qui avance dans la ville et le jour qui gagne peu à peu vers demain.

Se dire que peut-être quelque part en France, quelqu'un a déjà appelé et pleure sans savoir pourquoi, parce qu'il devrait être heureux d'être celui à qui on a dit oui. Se dire que sans doute en France, d'autres ont déjà appelé et pleurent, leur rage, leur tristesse. Hier, pour beaucoup, c'était la seule audition de l'année.

Avoir mal au ventre, réfléchir à ce qu'on dira pour ne pas montrer qu'on est triste. Dire merci de votre cordialité, dire merci pour ces retours qui m'aideront à améliorer ma candidature. Dire dommage, j'aurai bien aimé être adoptée.

Le pain est terminé, le bol de lait aussi. Il n'y a plus rien à faire. Juste appeler...
Il n'y a plus rien à faire, alors écrire ce texte, pour repousser encore le moment où.
Se dire que 10h17, c'est une belle heure pour un matin. A 10h17, appeler.

....

Reprendre ce texte.
Entendre la voix, c'est la voix de ceux qui vous disent leurs condoléances, la voix qu'on a quand on parle aux malades. Apprendre qu'on est bien classé, très bien même... et découvrir qu'ils ont pris un candidat qui était déjà chez eux.

C'était ma cinquième audition, j'ai été classée sur tous ces postes, je dois avoir de la chance.
Tous les postes ont été pourvus en local, je dois être maudite.

Il ne reste plus qu'une chance, mercredi. Je n'y suis pas née, je n'y ai pas étudiée, je n'y ai rien fait, comment croire que cette ville pourrait m'adopter...


*********************************
Je répondrai à tous les commentaires plus tard, là, le coeur n'y est plus trop...

mercredi 20 mai 2009

Gloomyland, la région des funestes comptines

Triptique blogesque, puzzle collage de trois textes écrits à trois moments de la campagne pandorienne...

Ecrit le jour J -7

J'ai reçu une invitation pour aller étaler de la crème sur des scones à ... Gloomyland. Pas la vraie ville de Gloomy, celle juste à côté, dans la région du Gloomyland réputée pour ne recruter que des gens du cru à l'accent terroir et au numéro d'immatriculation du temps où les numéros disaient ton accent. C'est pas moi qui le dit, c'est une ancienne collègue issue du Gloomyland qui m'avait raconté quelques GloomyStories l'an passé suite à ma candidature. Il y a 3 universités en Gloomyland et il parait que dans les 3, on aime le local, bien étiqueté, son label rouge sur la fesse gauche et les papiers en règle.

Nous sommes 10.

Ten little nigger boys went out to dine;
One choked his little self, and then there were nine.

10 petits nègres dont un seul survivra au plan machiavélique d'un KKK assassin.

Nine little nigger boys sat up very late;
One overslept himself, and then there were eight.

Et comme un petit googlage en règle me l'a vite appris, il y a 4 locaux parmi nous,.
Quatre petits nègres qui ont statistiquement plus de chance d'être le dernier...


Eight little nigger boys traveling in Devon;
One said he'd stay there, and then there were seven.

Il y a le nègre Oldy, gentil outsider local, assez improbable, à qui on a sans doute fait la charité d'une audition pour bons services rendus à la maison. Il pourra au moins avoir participé dans sa vie à une sauterie cacacatesque. Peut-être que c'est chic en Gloomyland de raconter ses KKK dans les diners : vous aimez le chapon? Il vient directement de la ferme. Et au fait, racontez-nous votre audition. Ce devait être passionnannnnnt! Les hommes portaient le costume?

Seven little nigger boys chopping up sticks;
One chopped himself in half, and then there were six.

Il y a le nègre Nicy, un gentil prétendant local, cv défendable mais sans doute pas assez d'éclat pour s'imposer. Quasiment pas d'enseignement, un dossier scientifique bien ficelé mais pour l'avoir croisé dans une autre vie, c'est quelqu'un que l'enseignement et la recherche publique n'intéressent pas a priori. Je suis un peu surprise, j'imagine qu'il tente sa chance sur une campagne et puis passera à autre chose si ça ne marche pas.

Six little nigger boys playing with a hive;
A bumble-bee stung one, and then there were five.

Il y a le nègre Friendly, un gentil faux local qui fait son postdoc ailleurs mais dont la liste des publications montrent qu'il a clairement partagé les figolus de plusieurs membres du KKK local les nuits blanches de deadline.

Five little nigger boys going in for law;
One got in chancery, and then there were four.

Enfin, il y a surtout le nègre HairyBoy, qui sera sans doute recruté : CV impeccable qui aurait mérité d'être défendu au CNRS. Sauf que comme il n'a pas postulé au CNRS comme nous l'apprennent quelques tapotages googelesques (aspirant, j'espère que tu prie St Google toutes les nuits car sans lui, ta vie serait encore plus obscure!), c'est sans doute qu'on lui a assuré ses arrières et qu'il ne veut pas quitter la région du Gloomyland qui l'a nourrit à la mamelle pendant tout son cursus, thèse et postdoc inclus. Les voyages forment la jeunesse, autant rester chez soi pour rester soi-même et ne pas se déformer.

Four little nigger boys going out to sea;
A red herring swallowed one, and then there were three.

Je veux bien parier une paire d'Irregular Choice sur HairyBoy. Je n'ai même pas envie d'y aller, aucune envie d'aller beurrer les scones d'un autre, aucune envie de jouer l'hypocrite scène d'un faux concours truqué, pas envie tout simplement.

Three little nigger boys walking in the zoo;
A big bear hugged one, and then there were two.

Mais on ne convoque pas 10 candidats sur un poste mité, on ne déplace pas 10 personnes de toute la France pour couronner son prince. Donc il y a peut-être une réelle ouverture, c'est peut-être une réelle audition! Si j'y vais, je vais peut-être regretter, mais si je n'y vais pas, je vais certainement regretter. Donc haut les coeurs à prendre, Pandore va mettre sa robe blanche et ses souliers dorés et va aller faire l'enfant obstinée! Allons zenfants de la patrie, le jour d'espoir est arrivé...

Two little nigger boys sitting in the sun;
One got frizzled up, and then there was one.

Ecrit le jour J

J'y suis allée, j'ai revu le projet de recherche, bossé le projet pédagogique, revérifié les travaux de l'équipe, j'ai déposé une journée de congés qui sera prise sur d'hypothétiques plaisirs estivaux, allégé mon compte de 130 euros, le prix d'une paire d'Irregular Choice, mis dans deux billets de train en carton, j'ai mis le réveil à 5h15, mis la tenue, mis le juste maquillage, j'ai pris le taxi, le train, trouvé dans la ville inconnue le chemin qui mène à, attendu en plaisantant avec les autres figurants.

HairyBoy était là, au milieu de nous, engoncé dans un improbable costume en tweed, on avait du lui dire que ça ferait plus sérieux, il avait ciré ses chaussures. HairyBoy était là, toute la matinée dans le couloir, nerveux. Les autres étaient les autres, des fanfarons, des stressés, des appliquées, des qui connaissaient tout le monde dans le couloir, des qui allaient souvent aux toilettes, des qui avaient sorti la chemise ou le tailleur, des qui espéraient tous un peu. Tous un peu fatalistes, tous savaient qu'Hairy était pressenti, Hairy n'a pas compris ce que son omniprésence dans le couloir avait d'insultant pour ceux qui avaient passé la nuit à l'hôtel.

Quand je suis rentrée dans la salle, j'ai compris qu'en Gloomyland, on se soucie peu des apparences : il manquait la moitié du KKK. Une salle vide, qui écoute, un peu, pas vraiment...

En rentrant à la maison, un peu plus tard, j'ai mieux compris : les textes disent "Quorum : le comité de sélection siège valablement si la moitié de ses membres sont présents, parmi lesquels une moitié au moins de membres de l'extérieurs à l'établissement". Ils étaient exactement la moitié, le nombre minimum. En Gloomyland, on déplace l'aspirant mais pas le KKK ou peut-être que le KKK est plus réticent à bouger quand il sait que les jeux sont faits.

Ecrit le jour J, quelques heures après

Le mail vient d'arriver, très vite : HairyBoy a été couronné, son dauphin est Nicy. Le soleil brille en Gloomyland, peu importent les gueux qu'on a fait déplacer en masse pour donner à la fête un peu du vernis des apparences.

One little nigger boys living all alone;
He got married, and then there were none.

Un amer goût de déjà-bu...
J'ai envie d'appeler Baptiste pour vérifier en chair et en os que les BC honnêtes et droits existent. J'ai envie d'appeler Baptiste pour aller me saouler à d'autres liqueurs que ces poisons que distillent ces KKK qui assassinent les petits nègres en les regardant dans les yeux.

mardi 19 mai 2009

En attendant Godechot?

Pas envie de parler, j'attends, pas envie de penser, j'attends, alors juste les mots de l'autre, bien mieux que les miens, je ne peux pas continuer, je vais continuer et je serai drôle demain.

"je n’ai pas bougé, j’ai écouté, j’ai dû parler, pourquoi vouloir que non, après tout, je ne veux rien, je dis ce que j’entends, j’entends ce que je dis, je ne sais pas, l’un ou l’autre, ou les deux, ça fait trois possibilités. [...]

Il faut reprendre, pas bougé d’ici, pas cessé de me raconter des histoires, les écoutant à peine, écoutant autre chose, me demandant de temps en temps d’où je les tiens, ai-je été chez les vivants, ou sont-ils venus chez moi, et où, où est-ce que je les tiens, dans ma tête, je ne me sens pas une tête, et avec quoi est-ce que je les dis, avec ma bouche, même remarque, et avec quoi est-ce que je les entends, et tatata et tatata, ça ne peut pas être moi, ou c’est que je ne fais pas attention, j’ai tellement l’habitude, je fais ça sans faire attention, ou étant comme ailleurs, me voilà loin, me voilà l’absent[...]

Le silence, la fin, le commencement, le recommencement, comment dire, ce sont des mots, je n’ai que ça, et encore, ils se font rares, la voix s’altère, à la bonne heure, je connais ça, je dois connaître ça, ce sera le silence, faute de mots, plein de murmures, de cris lointains, celui prévu, celui de l’écoute, celui de l’attente, l’attente de la voix, les cris s’apaisent, comme tous les cris, c’est-à-dire qu’ils se taisent, les murmures cessent, ils abandonnent, la voix reprend, elle se reprend à essayer, il ne faut pas attendre qu’il n’y en ait plus, plus de voix, qu’il n’en reste plus que le noyau de murmures, de cris lointains, il faut vite essayer, avec les mots qui restent, essayer quoi, je ne sais plus, ça ne fait rien, je ne l’ai jamais su, essayer qu’ils me portent dans mon histoire, les mots qui restent, ma vieille histoire, que j’ai oubliée, loin d’ici, à travers le bruit, à travers la porte, dans le silence, ça doit être ça[...]

C’est trop tard, c’est peut-être trop tard, c’est peut-être déjà fait, comment le savoir, je ne le saurai jamais, dans le silence on ne sait pas, c’est peut-être la porte, je suis peut-être devant la porte, ça m’étonnerait, c’est peut-être moi, ça a été moi, quelque part ça a été moi, je veux partir, tout ce temps j’ai voyagé, sans le savoir, c’est moi devant la porte, quelle porte, ce n’est plus un autre, que vient faire une porte ici, ce sont les derniers mots, les vrais derniers, ou ce sont les murmures, ça va être les murmures, je connais ça, même pas, on parle de murmures, de cris lointains, tant qu’on peut parler, on en parle avant, on en parle après, ce sont des mensonges, ce sera le silence, mais qui ne dure pas, où l’on écoute, où l’on attend, qu’il se rompe, que la voix le rompe, c’est peut-être le seul, je ne sais pas, il ne vaut rien, c’est tout ce que je sais, ce n’est pas moi, c’est tout ce que je sais, ce n’est pas le mien, c’est le seul que j’ai eu, ce n’est pas vrai, j’ai dû avoir l’autre, celui qui dure, mais il n’a pas duré, je ne comprends pas, c’est-à-dire que si, il dure toujours, j’y suis toujours, je m’y suis laissé, je m’y attends, non, on n’y attend pas, on n’y écoute pas, je ne sais pas, c’est un rêve, c’est peut-être un rêve, ça m’étonnerait, je vais me réveiller, dans le silence, ne plus m’endormir, ce sera moi, ou rêver encore, rêver un silence, un silence de rêve, plein de murmures, je ne sais pas, ce sont des mots, ne jamais me réveiller, ce sont des mots, il n’y a que ça, il faut continuer, c’est tout ce que je sais, ils vont s’arrêter, je connais ça, je les sens qui me lâchent, ce sera le silence, un petit moment, un bon moment, ou ce sera le mien, celui qui dure, qui n’a pas duré, qui dure toujours, ce sera moi, il faut continuer, je ne peux pas continuer, il faut continuer, je vais donc continuer, il faut dire des mots, tant qu’il y en a, il faut les dire, jusqu’à ce qu’ils me trouvent, jusqu’à ce qu’ils me disent, étrange peine, étrange faute, il faut continuer, c’est peut-être déjà fait, ils m’ont peut-être déjà dit, ils m’ont peut-être porté jusqu’au seuil de mon histoire, devant la porte qui s’ouvre sur mon histoire, ça m’étonnerait, si elle s’ouvre, ça va être moi, ça va être le silence, là où je suis, je ne sais pas, je ne le saurai jamais, dans le silence on ne sait pas, il faut continuer, je ne peux pas continuer, je vais continuer.
"

Les extraits sont de l’Innommable de Beckett, ça date de 1949, ça date d'aujourd'hui. Les césures et la ponctuation en phrases de Pandore, ça date de 2009, c'est en suspens, peut-être que dans quelques minutes, ça aura tout un autre sens...

jeudi 14 mai 2009

Vertige

Demain.

Tôt le matin.

Puis une journée longue à attendre.

Il faudra retourner travailler.

Enfin faire semblant parce que la tête n'y sera pas.

Une journée très longue.

Peut-être même encore plus qu'une longue journée si le KKK nous fait le coup de "on n'annonce rien tant que le CA n'a pas entériné la décision gnia gnia gnia (et ton candidat local il attend aussi que le CA entérine???)" comme l'an passé.

Une journée longue à cliquer plusieurs fois par minute pour vérifier que l'oiseau de tonnerre n'abrite pas sous son aile un mot doux qui nous dit qu'on a été adopté, mis en réserve ou éjecté.

Ne pas oublier son téléphone portable ce jour-là.

Si jamais la bonne parole prend ce média-là.

Qu'est-ce qu'on fait quand on sait que ça y est?

Pandore a la larme facile dans le bonheur comme dans la peine.
Alors si ça marche, sera-ce les grandes eaux qui laveront toute la boue de ces dix dernières années? Ou aurais-je au contraire le coeur sec, la tête vide parce que je pourrai enfin poser mes valises du "qu'est-ce que je vais faire de ma vie?"

Demain.

Une présentation de 10 mn.

Ils n'ont même pas voulu me dire si je pouvais me vendre avec des slides.

Et si ça marche, tout peut s'arrêter, tout peut commencer. Tout peut s'arrêter, tout peut se taire.

Et si ça ne marche pas, et si les autres non plus, vais-je me dissoudre? Me fondre, me liquéfier dans l'eau des caniveaux, disparaître dans la ville, me perdre dans cette autre année pleine de fantômes à venir. Ne pas y penser. Surtout ne pas y penser.

Il est vertigineux ce demain. Ensuite on aura l'habitude, j'enchaînerai les présentations comme un VRP, chaque fois un peu plus sûre de mes mots, chaque fois un peu moins dupe pour mon devenir.

Demain, je rencontre mon premier KKK 2009, demain je rencontre le seul KKK de la ville où j'aimerais faire ma vie, demain c'est tellement tout de suite que j'aimerais que ce soit dejà hier.

mercredi 13 mai 2009

Galaxite aigue

A côté de mon nouveau toc, la tremblante du mouton est une petite affection bénigne pour laquelle on pourrait même avoir une certaine tendresse.

Depuis quelques jours, je suis atteinte en effet d'Agrita Galaxita (Galaxite aigue), "syndrome saisonnier qui touche certains aspirants MCF à partir de la mi-mai et qui affecte principalement les digitus du sujet dès qu'un périphérique d'entrée constitué de touches lui permet d'interagir avec un appareil électronique utilisant un protocole de communication IP" selon l'institutionnel site Doctissimo.

Concrètement, ça veut dire qu'à intervalles plus que réguliers, je suis irrésistiblement attirée par la fréquentation d'un site propagandiste dont ma moral réprouve pourtant violamment la fréquentation : le sulfureux Océanus!

Comme je suis une habituée, j'ai un code de fidélité depuis 3 ans qui me permet d'accéder à des fonctions réservées aux membres actifs (pour devenir membre actif, il y a un protocole assez obscur qui s'appelle la qualification, en gros, il faut être parrainé par deux supers utilisateurs qui ont eux-même été parrainés suite à leur bonne conduite).

En cas de Galaxite aigue, on se retrouve dans l'application Candidature quand commence la crise. Les symptômes ne sont pas les mêmes si l'on est sous Mac ou PC.
Sous Mac, le sujet place un doigt de la main gauche sur la pomme qui n'est qu'alternativement une pomme depuis la saga Résurrection mais qui reste dans son coeur tendre de trognon frais le délicieux fruit qu'ont partagé Eve et Newton sous un arbre ophidien.

De sa main droite humide d'anxiété, il saisit vigoureusement la souris et il clique le plus vite possible sur le lien Détails de chacun des postes de la liste affichée. Ca ouvre alors dans le navigateur autant d'onglets que de postes.

En positionnant bien la souris sur le bouton de fermeture du premier onglet, on peut consulter l'état de son dossier sur chacun des postes en une seconde par onglet. Le but étant d'aller le plus vite possible sans manquer l'information primordial et d'imprimer sur la rétine l'impression pixelisée en associant au plus vite l'expression affective appropriée.

3 images, 3 émotions, 3 productions langagières...

Image 1

  • émotion: énervement
  • production langagière:"mais quand est-ce qu'ils vont mettre ce bordel à jour?!!?"
Image 2

  • émotion: résignation
  • production langagière:"Allez, un billet de train et une journée de congés économisés..."
Image 3

  • émotion: stress
  • production langagière:"Gloups...arg...gloumpf..."
Ce toc s'accompagne en plus de quelques charmants symptômes secondaires : clics compulsifs pour rafraîchir sa boîte mail plusieurs fois par minute, consommation excessive de café lavasse, impossibilité à se concentrer quand vos amis vous racontent leur vie trépidante, torturage cruelle de mèches de cheveux, battements frénétiques du pied sous le bureau. Depuis deux jours, la crise se produit à intervalles plus que réguliers, environ toutes les 247 secondes. Hier, journée officielle de pic annuel du nombre de réunions des KKK, on a atteint des records...

mardi 12 mai 2009

Entêtante...

Amstramgram...
Je n'irai pas dans la ville biscuitière.
Pique et pique...
J'irai à la prestigieuse Ecole des Roses.
Et collégram
Je n'irai pas à dans la ville de baie.
Amstragram
J'irai à Gloomyland.

Les décisions tombent, la femme prend la nourrice.
Les mails s'entassent, ma tantirelirelo.
Le phoca vitulina s'éloigne mais ce ne sera pas toi au bout de trois.
Vendredi, tous auront cacacaqueté et le premier qui rira aura une tapette!
A partir de mardi on commence à mettre sa robe blanche et sa ceinture dorée car c'est le sort des enfants obstinés.

samedi 9 mai 2009

Article interactif : joue avec Pandore pour tromper le stress!

Gentil aspirant qui surveille ta boîte mail comme mon chat sa gamelle, Gentil membre du KKK qui procrastine sur Internet plutôt que de finir pour hier ton rapport sur Martine Martin, la candidate 37 du poste MCF1146 qui a fait du télétravail pour Quelle et du babysitting en Crète en 1998 en plus de sa thèse en épistémologie, Gentil thésard qui aimerait finir avant l'été, Gentil lecteur égaré sur ce blog grâce au dédale googelien, Gentil gens qui perd infiniment du précieux temps de ta trop courte vie à lire les inepties que je raconte en ce lieu, je te propose de rompre la monotonie ambiante en faisant chauffer le neurone dans sa boite à idées.

Avant que ne sonne le grand clairon discordant d'Océanus, il y a eu du flottement sur ce blog, un long silence visqueux comme la surface d'un lac mort. Pandore hibernait, le coeur au ralenti, 3 battements par minute, dans la vase obscure de la toile, en attendant le dégel du printemps 2009.

J'aurais pu venir raconter comment j'ai été adoptée à la fin de l'été par un nouveau Créon, comment j'ai refais mes cartons, retraversé la France en co-déménageant avec un militaire trouvé sur Internet (très pratique le militaire, ça vous décharge 3 caisses de bouquins Hermès par minute avec le sourire d'un mannequin haute couture), comment j'ai investi l'argent d'éventuelles vacances dans des frais d'agence et une caution, comment j'ai accroché au dessus d'un n-ème bureau les photos qui m'ont suivie de lieu en lieu, comment j'ai du battre des cils pour apprivoiser la nouvelle équipe, la secrétaire revêche mais travailleuse honnête, le geek prépubère de 50 ans qui rougit quand une fille lui dit bonjour mais frôle l'orgasme si tu lui dis que Leslie Lamport est ton dieu, le futur MCF du labo qui pense que tout le monde a les dents aussi longues que lui, l'ex-futur habilité qui n'arrive pas à boucler son habilitation, enfin l'habituel panthéon foutraque qui hante tout laboratoire qui se respecte.

J'aurais pu donc venir raconter comment j'ai laissé dans un couloir de laboratoire, derrière la photocopieuse qui crache son papier chloré, la peau morte de ma dernière mue. Le postdoc est un caméléon squamate qui meurt à chaque contrat pour renaître ailleurs, plus fort en ses compétences et plus faible en ses velléités. Ca m'aurait peut-être catharsisée et ça aurait assurément occupé vos longues soirées d'hiver. Peut-être même que ça aurait motivé les jeunes aspirants à briquer avec un peu plus de sérieux leurs dossiers de candidature pour ne pas finir comme cette bonne vieille Pandore.

J'aurais pu, j'aurais du, j'aurais su... mais je n'ai pas fait! Pandore badine, plus l'heure est grave, plus elle s'éthère, et là, on est proche de l'impalpable légèreté de l'être de peur de n'avoir. Donc plutôt que d'épiloguer en solitaire sur la raison de ce silence, je propose d'aider tout le monde à meubler utilement son temps : l'aspirant MCF pourra imaginer des réponses astucieuses au lieu de se ronger les phalanges ou de s'épiler les mollets à la pince (à épiler donc, la multiprise étant déconseillée pour cet usage), le membre du KKK pourra exercer sa plume à des choses futiles avant de passer à des rapports rébarbatifs mais oh combien indispensable, le doctorant pourra se détendre la membrane cognitive en venant lire les propositions spirituelles et le lecteur égaré ne reviendra pas, donc paix à sa conscience.

Aussi, gentil lecteur, plutôt que de procastiner sur Yahoo Actualité ou de rechercher sur Wikipedia le nom du chien de Macha Béranger, essaye de trouver la ou les bonnes raisons pour la(es)quelle(s) Pandore n'a quasiment pas blogué cet hiver. Si tu es un troll, tu peux jouer aussi mais attention aux clichés, sache que tu pars avec un handicap et que les propositions comme "Tu t'es comptée les doigts tout l'hiver aux frais de l'Etat!" devront être étoffées d'un petit argumentaire audacieux.

A gagner : un badge Gloomy c'est fini!, très tendance pour les auditions 2009, un article scientifique dédicacé, la recette officielle des Cookies Laura Todd et un paquet de thé bio blanc Avec les anges, bref, le kit parfait d'une campagne sereine.

A vos claviers donc!


*****************************
ps : Pour prévenir toute contestation, la réponse officielle a été écrite au bic noir sur un post-it jaune pâle enclos dans une enveloppe en kraft anonyme et scellée que j'ai mis dans mon exemplaire de Si par une nuit d'hiver un voyageur sous la surveillance de Pouik, agent assermenté tenu au secret de par ses limites physiques de jeune poussin en moumoute.

pps : je rappelle que plus la campagne avance, plus Pandore est fatiguée et encline au dérapage bloggesque, il faut lui pardonner et se souvenir qu'en ce moment les KKK cacacatent...

mardi 5 mai 2009

CAMPAGNE 2 - ETAPE 5 : Le silence brisé

Hier, j'ai écris un épisode pour Elpidou qui s'appelait le Silence.

Elpidou, c'est le vrai nom du blog. Kalai Elpides, c'est bien trop sérieux, c'est bon pour les trolls et les autorités du ministère, c'est pour montrer qu'on a de la culture quand on a une thèse en confitures. Elpidou, c'est l'antre douce des mots amers, marmelade fine cut, le refuge du coeur quand il veut poser le masque et ses valises trop gonflées de larmes. Alors hier soir, j'écrivais encore une soupe raffinée où laisser fondre mes angoisses et ça s'appelait le Silence.

Ca parlait de la période où l'aspirant MCF est à l'état de phoca vitulina, (veau marin pour les non-initiés). Affalé sur le sable gris de son postdoc sans fin, il attend les convocations aux auditions. Son regard phocidé et bovin scrute la mer triste de ses mails habituels. Il gratte parfois son poil gris et terne qui s'en va par plaques en imaginant nerveusement que peut-être personne ne l'invitera et qu'il aura torpillé en vain de belles nuits de rêves pour des dossiers qui n'auront servi à rien. Et il imagine les KKK bien ingrats, à dormir, comme ils font, chaudement dans leurs draps. Tandis que lui dévoré de noires songeries, sans compagnon de lit, sans bonnes causeries, après ce long silence, craint de replonger à son sommeil annuel sous une humble pelouse. C'était un article lugubre comme un pendu de Villon, hypnotique comme un pendule de Foucault, erratique comme une penduline de Buffon.

Je voulais le poster ce matin ou demain, éloge de la lenteur et de la rumination bovine marine. Mais Deux ex machina, Dieu est sorti de la machine à laver les espoirs, et voilà que cette nuit, à la faveur de la lune voilée qui veillait sur mon sommeil végétal d'éponge exténuée, une missive a trouvé refuge en ma boîte aux lettres : un KKK me prie avec beaucoup de gentillesse de venir prendre le thé à la fin du mois. Il y a aura des scones avec de la crème, de la confiture, beaucoup de confiture, l'universitaire en aime l'étalage soigneux jusqu'au bord de la tartine. Et on parlera d'une voix douce entre gens bien, de la pluie sur Londres, de la crise Mon Bon Monsieur, de la grippe qui fait gruik et accessoirement d'un poste à pourvoir.

Déformation elpidienne, j'ai disséqué en direct le coeur d'une aspirante prise au saut du café en épisodes au fur et à mesure que la nouvelle infusait dans mon corps et parcourait les 97 000 km que font mes vaisseaux sanguins mis bout à bout. Voici donc en exclusivité pour Elpidou le récit des 55 secondes qui palpitent à l'annonce d'une audition.

- Episode 1: l'aspirant lance un regard négligeant sur la liste de mails qui l'attend de bon matin.

- Episode 2 : entre le mail de la direction générale des finances pour la déclaration des impôts par Internet, le mail pour enlarger son pénis avec une Rolex et les 23 mails d'extension de date limite de submission deadline pour des conférences où il ne soumettra jamais, l'aspirant voit bien "Concours de recrutement Université BeauxEspoirs" mais continue à lire les titres insipides.

- Episode 3 : l'information parvient au cerveau de l'aspirant, il renverse du café dans la soucoupe et relit frénétiquement le titre.

- Episode 4 : il hésite à cliquer. Parce qu'il aimerait prolonger l'instant d'incertitude. Il hésite entre Adam je n'ouvre pas le mail et je reste dans le confort de l'ignorance et Eve, je clique la pomme et croque le mail.

- Episode 5 : l'aspirant est une aspirante, elle choisit Eve, mieux vaut être à poil qu'en fourrure sans le savoir.

- Episode 6 : l'aspirante lit une fois. Elle ne comprend rien.

- Episode 7 : l'aspirante relit : ça a l'air d'être une bonne nouvelle.

- Episode 8 : l'aspirante rerelit : elle est auditionnée.

- Episode 9 : l'aspirante sourit, béatement.

- Episode 10 : l'aspirante se demande au fait sur quel poste on veut l'entendre.

- Episode 11 : l'aspirante ne se souvient plus trop parce que c'est justement l'un des postes où elle ne connaît rien ni personne et où personne n'a répondu à ses mails.

- Episode 12 : l'aspirante se dit qu'il y a alors forcément un candidat local, ou plusieurs. Et comme ce n'est pas elle, c'est donc un autre. Et donc qu'elle n'est pas convoquée à une audition mais à un match de catch.

- Episode 13 : l'aspirante sourit, tristement.

- Episode 14 : l'aspirante se dit que l'an passé, elle a été toujours classée et très bien et qu'il faut y croire. Elle repense à DjamDjam (toujours penser à DjamDjam quand on doute).

- Epilogue : l'aspirante partira bosser avec un éclat de soleil dans le coeur : elle ne sera peut-être jamais maître de conférence mais elle n'est plus phoca vitulina pour cette année.

On regrette que le temps du récit soit supérieur à celui de l'action. Gentil lecteur, oh mon ami, tu auras sans doute mis plus de 55 secondes à lire ce brouet léger. Le poids des mots sans le choc des photos: au royaume des exhibitionnistes, Elpidou est aveugle. Dommage, tu aurais vu un veau marin en dessous de soie, la tasse à la main, le regard vide, se demander si le numéro de ce poste n'est pas le Sésame d'une grande carrière de MCF...

mercredi 29 avril 2009

CAMPAGNE 2 - ETAPE 4 : La Moisson Postale

Elles sont arrivées, une à une, deux à deux, parfois même trois. Des mots doux bien blancs sous mon paillasson bien rêche sur le plancher bien sombre du palier.
Elles portaient mon écriture sage et un joli timbre de collection. Plus le timbre était beau et plus le poste était cher à mon coeur. Elles disaient que mon dossier était complet.
En parallèle, ils arrivaient, un à un, deux à deux, rarement plus. Des mails secs et injonctifs : va voir Océanus, il veut te parler. Océanus me disait alors :
Dossier recevable

Ça voulait dire que j'avais franchi la première étape : au moins on allait me lire. Ça voulait dire aussi que désormais je pouvais vivre la peur au ventre à l'idée que quelque part en France, quelqu'un pouvait à tout moment être en train de lire ma prose.

Et que si le bébé du quelqu'un pleurait à cet instant, qu'il n'y avait plus de bière dans son frigo ou qu'une jolie fille lui souriait dans un café, ça pouvait changer ma vie... ou pas. Ca dépend de si on y croit pas ou pas. Ca dépend de qui joue le jeu. Il y a des places où, de toute façon, les jeux sont déjà faits. Match de catch, Hulk Gloomy vaincra tous les Wrestler Chercheurs, c'est écrit.

Il existe 5 types de Wrestlers :
  • Babyface, le chéri du public
  • Face l'aimé du public
  • Tweener celui qu'on brûlera ou qu'on encensera c'est selon
  • Heel, le méchant
  • Top Heel, le très très méchant
Le KKK fait le casting, les wrestlers assurent le show sans tous savoir quel est leur rôle. Certains savent qu'ils sont des Babyfaces, d'autres qu'en bon Tweener, il leur faudra se bouger la couenne suante pour rallier la foule cruelle à leur cause.

De toute façon, Babyface ou Tweener, on enfile tous notre maillot kitsch en lycra qui moule et on arrive le sourire aux lèvres et le gimmick triomphant. Aujourd'hui, mon premier KKK se réunit pour un casting.

Pour savoir s'il y a de la bière chez le rapporteur ou s'il lit son dossier dans le métro, Baptiste raconte l'autre côté du miroir comme le dit Affordance en faisant exploser mon nombre de visites....

mercredi 22 avril 2009

CAMPAGNE 2 - ETAPE 3 : Le meurtre de Sysiphe


(attention ce message concourt officiellement au titre de MLPF 2009, Message Le Plus Fastidieux de l'année 2009! Y'a plein de chiffres et de vérités toutes faites, on dirait un projet d'ANR. Mais si tu aimes les jeux de rôle et veux vraiment te mettre dans la peau d'un aspirant MCF à la veille de l'envoi des dossiers, va te chercher un café insipide à la machine et lis ce qui suit. Ca te prendra 5 mn alors que j'ai vécu ça 3 jours, donc tu gagnes une réduction de 864%, gain non négligeable en ces temps de crise...)

Elle a sorti le vieux projet de candidature écrit l'an passé, laborieusement, une demi-heure par phrase, toute phrase pesée et soupesée et repesée. Elle a sorti le vieux projet de l'an passé, qu'elle avait déjà tant et tant envoyé.


Elle l'a trouvé astucieux, amoureuse de la beauté plastique de Latex qui reste à Word ce qu'un macaron Ladurée est à un Pépito de LU (avant c'était Belin, maintenant, c'est Lu, le goût reste le même, ce ne sont que les actionnaires biscuitiers qui changent). Un document MAIN qui contient plusieurs fichiers et qui génèrera selon que le poste est rose, bleu ou vert un dossier attrayant pour la commission rose, bleue ou verte puisse avoir envie de rencontrer Pandore.


Elle a dépoussiéré le MAIN, ajouté quelques publications bénévolement obtenues, ajouté quelques compétences et supprimé quelques fautes qui avaient résisté farouchement aux ennuyeuses relectures en 2008. Puis elle a personnalisé les fichiers en fonction de chaque labo, de chaque université. Lu et relu les sites Internet des équipes et des départements, essayer d'identifier les formations. Mis en forme ce qu'on avait pu ou bien voulu lui dire au téléphone.

Ensuite ce fut la curée, de la décapitation sanglante, du tranché dans le vif, mettez donc à l'abri les enfants de première année de thèse et les vieillards de dernière année de mandarinat. Elle a d'abord supprimé tout le répertoire Vert d'un clic. Elle n'avais pas envie d'être verte, elle est devenue snob. Puis elle a supprimé les fichiers dont les noms des villes ne lui plaisaient plus. Elle est devenue difficile. Elle ne veut plus aller partout faire n'importe quoi pour 1800 euros : donc aux oubliettes le poste vert à 1000 kilomètres d'Epiméthée.


Puis elle a lancé l'impression de 14 dossiers, 14 confirmations Océanus et 14 lettres de motivations. Elle a signé et daté les lettres de motivation et les confirmations.
Puis elle a photocopié 2 fois l'ensemble.
Puis elle a photocopié 28 fois son rapport de soutenance de 11 pages en priant les arbres de pardonner à son jury de psychopathes jacassiers.
Puis elle a fait des piles partout dans le bureau.
Puis elle a relié 42 dossiers avec des règlettes à 1,20 euros. Une feuille de plastique devant pour éviter les traces grasses du croissant de l'examinateur, une feuille de lourd papier crème derrière pour donner du classieux.
Puis elle a écrit son nom P-A-N-D-O-R-E et les références de poste sur 56 étiquettes et 42 enveloppes. Dans 14 grandes enveloppes, elle a glissé 2 moyennes enveloppes, une pour chaque rapporteur et une chemise pour l'administration.

Elle a aimé Paris 5 qui proposait de sauver des arbres, du temps et de l'argent en déposant tous les documents en ligne. C'était un peu comme une île ensoleillée de sagesse dans le sombre Océanus obscurantiste.

Elle a rédigé les libellés de 11 bordereaux d'envoi en recommandé au BIC noir en appuyant bien et en faisant surtout attention à ne pas intervertir le destinataire et l'expéditeur parce que quiconque n'a jamais envoyé de lettre en AR ne sait pas que La Poste est à la solde de Valérie et fait tout pour que t'envoies à toi-même les dossiers et que, réalisant ta boulette, tu ailles te noyer dans le lavoir du village picard de ta grand-mère.


Puis elle a fermé les enveloppes en espérant qu'il ne manquait rien et qu'elle n'avait pas interverti le projet de recherche sur la structure moléculaire du Figolu et celui sur l'analyse physio-sacrée des hiéroglyphes sous-marines bantoues.

Puis elle a barricadé son bureau avec des rouleaux de transport de posters scientifiques et elle a fait des signes cabalistiques sur les enveloppes pour que la tchounga s'abatte sur les KKK qui écarteraient son dossier pour ne pas ombrer l'aura clignotante de leur Gloomy. Elle a aussi fait des signes cabalistiques sur les enveloppes pour que les KKK cèdent à la tentation de l'inviter à leur sauterie annuelle.


Puis elle est allée à la Poste et a sorti son chéquier de précaire dont le compte est toujours déficitaire passé le 20 du mois.

Puis, comme il faisait beau, elle est allée boire un panaché, c'était sucré-amer, frais dans le printemps et elle n'avait même pas mal.


Il ne reste que 14 chiffres magiques, 7 chiffres roses, 7 chiffres bleus. Une parfaite symétrie pluridisciplinaire, petit clin d'oeil de la vie qui lui plait toujours. Elle espère qu'il y a un gagnant. Et si ce gagnant est un chiffre rose dans la ville grise, elle promet de ne plus rien demander à aucun dieu avant au moins 10 ans.

*******************************
Message à caractère informatif, inutile, loufoque et parfaitement jouissif, si on additionne tous les chiffres de ce message, on obtient 5995,2. Dommage, sans la virgule, on avait un joli palindrome...

mardi 14 avril 2009

CAMPAGNE 2 - ETAPE 2 : La Séduction

Elle n'aime pas se vendre, c'est son souci. Elle aimerait croire que le meilleur émissaire est le dossier papier, reflet miroir d'un passé qui se construit petit à petit. Mais on lui a dit qu'il fallait jouer le jeu de la séduction. Faire une croix sur ses principes le temps des candidatures, que les mandarins attendaient ça d'elle, que les autres aussi d'ailleurs. Que si ça permettait d'avoir un poste, ça valait peut-être le coup de se forcer et de faire le vendeur d'encyclopédie à sonner à toutes les portes des quartiers résidentiels pour vendre son sourire immaculé et ses slogans éculés. Alors elle a ressorti le vieux mail écrit l'an passé, laborieusement, une demi-heure par phrase, toute phrase pesée et soupesée et repesée. Elle a sorti le vieux mail de l'an passé qu'elle avait déjà tant et tant envoyé.

"Bonjour, je m'appelle Pandore et je cherche un avenir. Comme vous en proposez un, il parait qu'il faut que je vous contacte même si c'est pas dit au JO, alors je joins une photo de moi en maillot de bain, le génome de mes mamies et reste à votre disposition si vous voulez examiner ma dentition et les lignes de ma main pour savoir si je ferai une bonne mule chercheuse..."

Elle a ôté la poussière du vieux mail, remis un peu de lustre. Puis elle a commencé à le renvoyer, en changeant par ci par là un ou deux mots au goût des autres, j'aime la peinture, j'ai toujours rêvé de vivre à Clermont, je serai tellement heureuse d'enseigner l'histoire médiévale, je suis folle de crème brûlée, je fais exactement ce qu'il vous faut, j'ai deux lapins nains, mon mandarin a couché avec votre chef de département à l'époque où il ne prenait pas encore de viagra, je suis une grande spécialiste de la dissection des anguilles en milieu soluble, quand j'étais petite je rêvais d'enseigner le management du transport aérien, etc.

Il a fallu répondre à nouveau à ceux qui répondaient, envoyer des CV, des listes de publication, des descriptifs d'enseignement. Il a fallu relancer ceux qui ne répondaient pas, rappeler, réécrire, appeler le responsable de l'IUT, de la Licence, de la Maîtrise, la secrétaire de l'adjoint du département des crèmes brulées, la femme de l'adjudant du poste de garde.

Il a fallu rejouer au "on ne dit pas/ on dit". Exemple : on ne dit pas "est-ce que vous avez un candidat local? ", mais on dit "est-ce que vous avez déjà des candidats pressentis ou est-ce que le poste est vraiment ouvert?"

Il a fallu flairer le poste moustachu, celui qui est trop travaillé pour s'appliquer à un candidat lambda "On recherche un spécialiste de la systématique des cyanobactéries qui aurait enseigné la nano-physique à des étudiants russophones entre mai 2006 et juin 2007".

A la fin il ne restait plus que 19 chiffres magiques pour lesquels préparer des dossiers. 19 combinaisons de 4 chiffres avec peut-être, à la clé un numéro gagnant...

mardi 7 avril 2009

Le calin du troll...

Le récit de mes nouvelles aventures 2009 a levé un troll. Chouette un troll! Ca faisait longtemps!

En général, le troll est renvoyé dans les trous noirs de la grande toile mondiale où on le laisse croupir dans la froide indifférence réservé aux pisse-froids de l'amertume.

Mais perso, j'aime bien les trolls, leur petit nez chafouin rigolo et leurs grands bras poilus. Ils ont le côté touchant des chiens de la SPA que personne n'adoptera parce qu'un de leurs yeux est opaque et que leur poil terne dégage une odeur pestilentielle.

Alors que je vois un troll, j'ai tout de suite envie de l'adopter. Donc je prends celui-ci dans mes bras et je le caresse dans le sens de son poil rêche en lui murmurant à l'oreille les réponses à tout ce qui n'appelle pourtant que silence.

Du coup, je posterai mon épisode 2 demain et lui fais un article rien qu'à lui parce que je pense que s'il avait eu plus d'amour dans la vie, il ne serait pas devenu si malheureux. Si vous voulez vous aussi aimer mon troll, n'hésitez pas à commenter en postant des :*. Vous avez son message complet dans le dernier article mais je le reprends point par point pour ne pas qu'il se sente négligé...

"Vous avez obtenu un diplôme, une thèse... Vous méritez une rente!N'est-ce pas? Même si les thèses mention très bien sont distribuées à tour de bras pour flatter l'égo des directeurs de recherches, et donc ne valent rien..."

Mon tout petit, mon mal-aimé, oui j'ai obtenu une thèse, mais tu te fais du mouron pour rien : je n'ai pas eu de mention très bien déjà parce que cela n'existe pas et surtout parce que mon directeur de recherche avait beaucoup trop d'ego pour accepter qu'un de ses disciples puissent se distinguer. Donc soit rassuré, je n'ai pas de mention qui ne vaut rien mais par contre tu as raison, j'ai une jolie thèse qui ne vaut pas grand chose comparée aux plus de 50 000 euros que l'Etat m'a honteusement versé pour la rédiger et que j'ai dilapidé en sous-vêtements fins et en spiritueux extatiques (mais, que veux-tu, joli Troll, quand on sait la douceur de la soie sur la peau tiède et la volupté d'un Talisker sur le palais, on oublie Lavoisier.)

"Promettrez-vous également un emploi aux étudiants que vous diplômerez si vous obtenez un poste?"

Je ne promets rien, je donne des outils qui rendent plus intelligents et mieux armés pour comprendre le monde et le faire avancer. Je sais, mon tout-petit, mon mal aimé, que tu me trouves utopiste, mais j'ai toujours été une éternelle optimiste qui pense que le monde ira mieux si les gens sont éduqués. Et que si je peux participer à cela, c'est sans doute la plus belle mission que je peux avoir en ce bas-monde. On est bête, n'est-ce pas, quand on a trente ans?


Est-ce parce que vos diplômes d'Universités ne vous permettent pas de trouver de travail ailleurs que vous postuler à une allocation enseignant chercheur?

Pas vraiment, et pour te dire la vérité, mon gentil poilu mal dégrossi, la plupart de mes amis ne comprennent pas ma volonté de m'engager dans une voie où je serai si mal payée. J'ai eu l'occasion de travailler dans le privé il y a deux ans avec un salaire plus que confortable pour une entreprise plutôt gentille qui me donnait des chèques vacances, des chèques emplois services et payait mon abonnement au club de gym et qui me proposait de m'engager pour faire de la recherche chez eux. Je dois être bizarre vois-tu mais j'ai dit non.... J'avais envie de retrouver un vieux bureau plein de papiers plutôt que mon bureau design d'univers marketé où le vide répondait en écho à la la vanité....

Peut être après avoir travaillé ailleurs (travailler donc), les assedics vous permettent d'envisager la "carrière" d'enseignant comme attractive (pouvoir ne pas travailler 2 mois de "grève" tout en étant payée en plus des 4 mois de congés payés...).

Oh, là, je te sens taquin, mon tout mignon. Comme je ne sais rien de toi, je t'avais imaginé vieil amer, mais tu es peut-être plus jeune que je ne pensais, ce qui te rend encore plus touchant quelque part. Je crois que tu ne connais pas bien le monde du travail et encore moins celui de la Recherche.
As-tu déjà pointé aux Assedic? Rien de plus déprimant.

As-tu déjà travaillé comme enseignant? Rien de plus éreintant.
Tu passes tes weekends à préparer des cours au lieu de jouer au frisbee avec tes neveux.
Et tu passes tes vacances dans des pseudo conférences scientifiques fréquentées de jeunes puceaux et de vieux libidineux au lieu de pavaner aux bras de jeunes éphèbes huilés sur des plages paradisiaques.
Et comme on est entre nous, je vais t'avouer un grand secret que tu ne répèteras pas : quand j'ai travaillé dans la Grande Compagnie dont je parlais plus haut, les 3 derniers mois, je n'ai rien fait du TOUT, mais rien du TOUT : le projet de R&D sur lequel j'avais été engagé avait entre-temps été supprimé par un N+3 et donc j'ai grandement amélioré mes scores à Démineur entre deux pauses cafés. Cela a fait partie des raisons pour lesquels j'ai voulu rejoindre l'Université.
Je suis une masochiste, j'adore mon boulot, j'adore me prendre la tête sur des questions compliquées, j'adore lutter la nuit contre une phrase d'article qui résiste, j'adore peaufiner et peaufiner des slides pour mes étudiants. C'est con, hein? J'y peux rien, j'aime ça. C'est pour ça que je veux être enseignant-chercheur. J'espère que tu n'es pas trop déçu car je suis consciente que c'est un peu fade et que tu aurais préféré des révélations, du croustillant, de l'inédit. "Je veux être chercheuse parce que ça fricote grave dans les back-rooms des conférences", "Je veux être enseignante parce qu'on a tous les ans en conférence des Tshirts gratuits et importables payés avec l'argent des contribuables". "Je veux être MCF parce qu'on peut piquer des livres à la fac sans trop de difficultés.
" Je suis désolée de te décevoir...

Vous semblez être tombée dans une piètre image des responsabilités des enseignants chercheurs et du service public...

"Piètre image"? Je ne sais pas, je continue de penser que c'est un des plus beaux métiers que je puisse faire et que si j'ai les aptitudes pour bien le faire, il faut que j'y aille au lieu d'aller vendre des déodorants aux nanocapteurs de phéronomes sensorielles ou d'aller imaginer des produits financiers pour vendre encore plus de climatiseurs aux Inuits pour qu'ils boivent encore plus d'alcool pour se réchauffer pour qu'ils achètent encore plus de médicaments contre la cirrhose.

Allez, ferme les yeux, mon gentil troll, une tite gorgée de Talisker et "Are you going with me?" de Pat Metheny et laisse toi un peu caresser le ventre. Tu verras qu'avec un peu d'amour, si on veut être heureux, on peut voir la vie jolie et que c'est drôlement bien...