mercredi 19 novembre 2008

Baudruche à la française

A l'heure où le mérite scientifique est ramené à de savants calculs sur les activités de publication, il parait intéressant de dégonfler quelques baudruches conférencières internationales. Smarty, une amie américaine vient de m'envoyer un échange de mails aussi instructif que distrayant sur ce qu'il dit de la Recherche Française. Elle a récemment soumis à un colloque international. Encouragée par l'intitulé bilingue et pensant que le flamboyant bleu/blanc/rouge dans lequel était rédigé l'annonce était un clin d'oeil à l'Union Jack et aux Stars and Stripes, elle a envoyé un papier dans la langue que Shakespeare aurait parlé s'il était encore de ce monde et qu'il était devenu chercheur.

A réception, il lui a été signalé qu'une version française de son article était attendue :




"Bonjour, Vous avez lu l'appel à contributions. La langue du colloque est le français. Vous avez travaillé en France et vous connaissez le français. Rien ne justifie, le colloque ayant lieu à Paris devant un public de langue française que vous fassiez votre communication dans une langue autre que le français, langue de communication internationale et langue scientifique au même titre que l'anglais. Merci de la renvoyer en français si vous voulez qu'elle soit prise en considération."

Je précise que le bleu blanc rouge du message n'est pas une facétie pandorienne mais une réelle contribution typographique de l'auteur du mail. Un regard sur les modalités de soumission confirme l'injonction :

La langue du colloque est le français. Il est indispensable pour participer au colloque de la comprendre à l'oral et d'être en mesure de la lire. Il est toutefois possible de faire sa communication dans la langue de son choix à condition d'avoir préparé une traduction française qui sera distribuée à l'auditoire.

Donc on peut présenter en kalmouk, en nahuatl classique et même en télougou mais il faut soumettre et répondre aux question en français (par contre, je pense que l'on peut porter ce qu'on veut, je n'ai pas trouvé mention d'un dress code tricolore, même si on peut imaginer que le port du boubou, du sari ou du Levi's 501 n'est peut être pas une bonne idée dans ce colloque international).

Smarty, en tant qu'étrangère, n'est pas enclinte à la timidité naturelle des jeunes chercheurs qui veulent intégrer la recherche et donc ont tout intérêt à se couler dans le moule. Au lieu de se plier dans les élégantes courbettes que le\la mandarin(e) attendait sans doute de la part d'une ingénue dévergondée qui avait osé imposer un résumé en anglais, elle a donc répondu avec beaucoup d'élégance une missive que je m'empresse de traduire dans la langue que Molière aurait parlé s'il était encore de ce monde et s'il n'avait pas fait de recherche parce qu'il était beaucoup trop insolent pour ça.




Bonjour, I did indeed read the call for papers. I read that it was an international conference where work can be presented in the language of choice. I wasn't aware that this international conference would only have French participants. Evidently, my French has failed me and I must apologize if I caused any discomfort with my English abstract.
English, as a language on par with French in its international and scientific status, is my mother tongue and it is the language in which I can express myself best. My priority in presenting my work is to express myself as clearly as possible and to be able to engage in scientific discussion.
It's regrettable that I won't have time to translate my abstract into French, and that it has been rejected based on anything but scientific merit and on totally unacademic criteria. Perhaps I'll have better luck next time.
Alas, all that's left for me to do is wish you a merry and productive conference. Godspeed,
Par respect pour les vaillantes croisades des chevaliers de la langue galliforme, je traduis donc illico :




Bonjour, j'ai en effet lu l'appel à contribution. J'ai lu qu'il s'agissait d'une conférence internationale où les travaux pouvaient être exposés dans la langue de son choix. Je n'étais pas consciente que cette conférence internationale se limitait à des participants français. Ma compréhension du français est très probablement à l'origine de ce contre-sens et je vous prie de bien vouloir m'excuser si mon résumé en anglais a pu occasionner un certain malaise. L'anglais, qui est une langue scientifique internationale au même titre que le français, est ma langue maternelle et c'est la langue dans laquelle je suis la plus à même de m'exprimer.
Quand je présente mes travaux, ma priorité est de m'exprimer aussi clairement que possible et d'intervenir dans le débat scientifique.
Il est dommage que je n'aie pas eu le temps de traduire ce résumé en français et qu'il ait été rejeté pour des raisons autres que scientifiques, qui se basent sur des critères qui n'ont absolument rien d'académiques. Peut-être serais-je plus chanceuse la prochaine fois.
Hélas, il ne me reste plus qu'à vous souhaiter une conférence joyeuse et productive. Bonne chance!

On est heureux que des Superdupont veillent encore au devenir du français comme langue unique de communications internationales. J'avais annoncé une ludique campagne 2008-2009, je me rends compte que les pratiques universitaires, absurdes, parodiques et truculentes, sont la Pologne de Jarry et qu'il ne me sera pas difficile de me tenir à cet engagement. Godspeed to everybody!

EDIT : en relisant cet article pour en chasser la traître coquille et en vérifier les liens, je viens de retomber sur la page de la conférence et m'aperçoit qu'elle est organisée non par une institution académique mais par une association "visant à la promotion de la recherche scientifique et de l'édition dans le but de parvenir à une meilleure connaissance du fonctionnement du langage humain et des langues du monde."

vendredi 7 novembre 2008

Raccolage sur la fonction publique

Avant, l'Etat, c'était des fonctionnaires et des institutions immuables dans la poussière de leurs règlements. C'était rigide, sévère et triste. Les gens étaient là à vie, sans espoir de changement ou de progrès. On avait des logos austères et la loi c'était la loi. Elle officiait via des calendriers rabat-joie qui faisaient que minuit et une minute c'était déjà le lendemain et qu'il fallait aller faire la queue à la Poste du Louvre si tu voulais que ton dossier parte à minuit moins une. On était tous gris et psychorigides.

Heureusement, grâce à Nicolas, l'Etat est en train de devenir aussi joli qu'une agence de pub. Les gens sont en CDD donc ils s'habillent mieux et travaillent plus pour être sûrs qu'on les garde l'an prochain. On a des nouveaux logos conceptuels et surtout y'a des offres promotionnels comme à la Redoute ou aux 3 Suisses. Hier, entre une offre pour une montre "qui immite tellement bien la Rolex que toutes les filles vont craquer" et une spam pour enlarger mon hypothétique pénis, j'ai reçu une super offre : si tu ne t'es pas encore laissé tenter par une qualif, TU PEUX TOUJOURS JOUER! Valérie, l'organisatrice du Grand Jeu te fait un super cadeau:
  • "la campagne de qualification sera rouverte dans le cadre d'une session complémentaire à compter du 14 novembre 10 h et jusqu'au 22 décembre 2008 16h"
Comme Valérie n'est pas sûre que tu valides ton bulletin de participation, Valérie tente elle-aussi de te dire que grâce à la qualif' tu peux faire craquer les filles et enlarger ton pénis puisqu'elle te permet de participer à cette offre exceptionnelle pour que:
  • "la revalorisation des carrières des enseignants-chercheurs et sur les nouvelles possibilités de recrutement prévues par le chantier « carrières», notamment les 150 chaires ainsi créées puissent êtres offertes dans le cadre de la session synchronisée qui débutera en mars 2009." (traduit en sarkolangue, ça veut dire "tu peux gagner plus de blé en bossant plus et vive la "chair à chercher")
Peut-être que cette année les joueurs n'ont pas eu envie de participer et qu'il n'y avait pas assez de monde à la première session pour meubler les réunions de CNU. Peut-être que Valérie croit vraiment qu'être payé plus pour travailler plus est un projet séduisant qui peut ramener dans le giron de Marianne des étourdis qui pensaient aller dans le privé. Toujours est-il qu'avant, on avait Antares, sa base de données à l'ancienne et sa maîtresse intransigeance et que maintenant on a Galaxie, son logo Paint et ses offres promotionnelles...