mercredi 24 décembre 2008

Volaille

24 décembre, année O : Il y a de longs couloirs vides et le vent siffle autour des bâtiments plantés dans des champs. Quand quelqu'un passe, ça fait crisser le lino comme le fromage en grain québécois sous la dent, mais c'est le seul bruit qui troublera la journée lugubre. A la cantine, ils ont fermé la moitié de la salle en mettant les chaises sur les tables parce que tout le personnel est en vacances. Les pieds des chaises sont autant d'antennes qui nous rappellent qu'ailleurs d'autres ont rejoint leur famille ou leurs amis. Je déjeune avec deux autres postdocs étrangers - purée aux marrons et galette des rois trop sèche. Pour eux comme pour moi, pas de vacances possibles : je viens d'arriver tout juste après la soutenance et je ne peux prendre qu'un jour et demi de congés alors je l'ai gardé pour faire un pont pour le Nouvel An. Je n'ai rien à faire car je viens d'arriver et que personne n'est là pour m'encadrer, alors je suis là car je dois être là.

24 décembre, année 1 : Il n'y a pas de longs couloirs vides mais une pluie glaciale qui frappe aux carreaux. L'université est fermée, vacances obligatoires pour tout le monde. Mais j'ai des dossiers à préparer alors je suis chez moi devant l'écran qui digère son latex comme le bœuf de la crèche son foin. Dans la cuisine, des gâteaux cuisent pour le soir, une main à la pâte, un fil à la main, toujours ce fil du "il faut faire" attaché à mes pattes depuis la thèse. J'ai aussi un article à finir, un article sur mes travaux de doctorat, un article que je ne peux pas faire sur mon temps de travail puisque je suis désormais payée par le labo de l'année 1 pour faire tout autre chose.

24 décembre, année 2 : Il y a de longs couloirs vides et un silence inhabituel niché dans les moquettes beiges et bleues. J'ai apporté des pains d'épice pour les deux doctorants et le MCF qui a un rapport à finir. J'aurai pu prendre des vacances mais je n'ai que 17 jours de congés autorisés pour cette année alors il faut que j'économise en prévision des auditions. A la cantine, il y avait du foie gras figé sur des assiettes en faïence et des bûches de crème trop froide. Je partirai la semaine prochaine mais il faudra que j'avance un article sur les travaux de l'année 1 que je ne peux plus faire sur mon temps de travail puisque je suis payée par le labo de l'année 2 pour faire tout autre chose. Personne n'a envie de travailler alors on boit des cafés en mangeant du pain d'épice parce qu'on doit être là.

Les villes ont changé, les bureaux et les collègues aussi, les thématiques encore davantage. Ne reste tangible et palpable que ce besoin de vacances, l'esprit léger et l'écran blanc comme la neige d'un Noël qui
n'arrive jamais.

Je m'aimerais assez en dindonne farceuse mais je dois avouer que cet après-midi encore, dans mon labo tout vide, je me sens dindonne de la farce.

jeudi 11 décembre 2008

Le hoquet de l'Espace

Un jour, j'aurai des vacances, je pourrai dormir, et aller diner avec des amis, et répondre aux 738 mails en attente, et surfer, et venir raconter la longue histoire qui me retient loin du clavier béni de la procrastination bloggesque.

En attendant, Galaxie, la force obscure du mal qui a sauvagement englouti Antares dans ses cruelles entrailles, a commencé à déployer sa nébuleuse. Ce matin, à la fin de la liste de mes 738 mails auxquels-il-faut-que-je-réponde-d'urgence, il y avait une missive de Galaxie. En effet, j'ai souscrit à l'abonnement Galaxie gratuit et sans engagement qui te permet de recevoir un message personnalisé quand une université recherche un GMCF, gentil maître de conférence, à adopter (c'est Noël, offrez un MCF, c'est pas cher et ça sert à plein de trucs). Le mail disait :





Madame, Monsieur,

Un nouveau poste vient d'être publié dans la ou les sections qui vous intéressent.
Vous pouvez vous connecter à l'application GALAXIE à partir du portail destiné aux candidats (https://extranet.ac-versailles.fr/ensup/galaxie/candidats.html accès GALAXIE-recrutement, en haut à droite de l'écran) ou directement (https://antares.orion.education.fr/antares/can/astree/index.jsp) pour consulter les caractéristiques détaillées de ce(s) poste(s) et enregistrer éventuellement votre candidature.
section(s) : 00 MCF dans : UNIVERSITE PAS TROP LOIN emploi n° 007
section(s) : 00 MCF dans : UNIVERSITE PAS TROP LOIN emploi n° 008

Cordialement.

MINISTERE DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET DE LA RECHERCHE
SECRETARIAT GENERAL
DIRECTION GENERALE DES RESSOURCES HUMAINES
CCR
Tél : 01 55 55 06 10
Télécopie : 01 55 55 05 60

C'était beau comme un YOUR EMAIL ADDRESS HAS WON YOU PROMOTION-message. Il n'y avais pas de nom mais ça ne ressemblait pas trop à un canular peut-être parce qu'il y avait un vrai numéro de téléphone dont on pouvait supposer qu'il sonnerait en pleurant pendant des heures dans le bureau plein de papiers d'un des sbires pécressiens.

Alors, de mes petits doigts musclés par de longues heures de latex (je préfère mettre un lien car mes amis ont toujours l'oeil goguenard et le sourire lubrique quand ils aperçoivent mon guide du Latex sur le bureau), je suis allée rejoindre la grande Galaxie, j'ai bien rempli le formulaire avec mon nom et mes sections, parce que l'émissaire de la force obscure ne savait pas faire un lien direct avec l'URL. J'ai bien rempli le formulaire et en retenant ma respiration, j'ai cliqué sur ENTRE.
Et là, sous mon regard goguenard et mon sourire concupissant, s'est affiché ça :

Aucun poste ne correspond à votre demande.

En rouge, comme ça, violent : retourne à ton postodoc, à tes articles, tes présentations, tes 12 h de travail par jour, c'était juste un bon gros hoquet de Galaxie.

Petite énigme du jour

(tout le monde a le droit de jouer, même ceux qui n'ont pas de qualif)

Pourquoi Galaxie a-t-il eu un rototo ce matin à 5:00?
  1. parce que Valérie avait oublié de se déconnecter et que son fils a joué dans l'interface ADMIN.
  2. parce que le ministère s'inquiète du peu de demande de qualification et essaye d'attirer de nouvelles vocations en attirant les gens sur Galaxie.
  3. parce que personne ne va plus sur Galaxie et que ça permet de faire monter l'audience.
  4. parce qu'ils ont perdu les noms des gens abonnés à la liste et que ça leur permet de faire remplir un formulaire pour récupérer les données.
  5. parce que c'est bientôt Noël et que les rêves illuminent le regard innocent et le coeur pur des enfants qui croient que leurs souhaits les plus doux pourront se réaliser à l'ombre d'un odorant épicea.