mercredi 30 avril 2008

Deviens MCF : épisode 6


(rappel de l'épisode précédent : l'aspirant MCF n'a pas dormi de la nuit : aujourd'hui est le grand jour, il rencontre ses peut-être futurs collègues. Si Ste Pécresse l'a entendu, c'est sûr, ce soir, il sera MCF.)

Il a mis une chemise, elle a hésité à mettre une robe. Ils ont les mains moites et une boule dans la gorge. Ce matin, ils avaient trop mal au coeur pour goûter au café lyophilisé du buffet-petit déjeuner à volonté de l'Hotel de la Gare mais maintenant ils regrettent car ils ont la bouche sèche et l'estomac qui fait des bruits de plomberie. Ils ont mal dormi pourtant le reportage sur la pêche au thon de la télé de l'hotel était hypnotisant. Et toute la nuit, ils ont rêvé qu'ils se noyaient dans des filets tranchant au milieu de requins dans une mer ensanglantée. Quand les pêcheurs relevaient le filet, ils s'apercevaient terrorisés qu'ils avaient tous le visage de leur directeur de thèse et que sur un bateau, le secrétaire de l'Ecole doctorale en kimono hurlait en japonais dans un mégaphone orange. Ils se sont réveillés en sueur à 5h18 et ne se sont pas rendormi.

Dans leur téléphone, il y a un texto de leur maman, un texto de leur ami(e) et ils savent que des gens pensent à eux et ils se disent que c'est plus angoissant que rassurant. Après tout c'est ainsi que leur ami Olivier a raté le CNRS : sa mère avait mal compris et prié toute la nuit pour que son fil devienne CRS. Ils attendent dans le couloir, ils se connaissent et discutent même si le coeur n'y est pas. Ils s'aperçoivent que l'un d'entre eux a un bureau qui jouxte la salle de réunion, le coeur y est encore moins. L'un d'entre eux avait préparé une présentation PowerPoint, il est vite allé l'imprimer sur des transparents, il ne savait pas que dans cette discipline, personne n'utilise de vidéo-projecteur. L'une d'entre eux se tortille : elle a un avion dans 3 heures pour aller à une autre audition à Montpellier. Elle ne pourra pas attendre et devra partir avant d'être auditionnée, la Commission n'a pas voulu changer l'ordre des candidats.

Quand vient son tour, l'aspirant découvre enfin son KKK, il leur sourit, ne leur dit pas tout ce qu'il a envie de leur dire, qu'il est prêt à assurer tous les cours de première année, même ceux du lundi à 8h du matin dans l'antennne régionale à une heure de là, qu'il est prêt à tout pour venir travailler avec eux. Il leur sourit et leur dit ce qu'il a fait, il résume en 10 mn les 5 dernières années, ça va vite, trop vite.

Puis vient le temps des questions. Quand on lui demande s'il viendra vraiment s'il est pris, il essaye de ne pas penser aux 54 euros d'hotel, aux 623 euros de train et d'avion que lui ont coûté cette audition et il répond sagement alors qu'il a envie de hurler. Il a vu que le monsieur de droite hochait beaucoup la tête et que la dame à la droite du présidente avait l'air réticente, mais il sait qu'elle a dirigé la thèse de celui dont le bureau jouxte la pièce. 15 mn après être entré dans la salle, il faut ressortir et textoter à maman, à l'ami(e), que ça y est, job done, et qu'il ne reste plus qu'à filer à Nice refaire le même numéro.

Quand il arrive chez lui à 23h30, deux mails l'attendent, les deux le remercient pour sa prestation. Le premier a l'honneur de lui informer qu'il a été classé second, juste derrière celui dont le bureau jouxtait la salle de réunion. L'autre a le regret de lui annoncer qu'il n'a pas été classé mais lui souhaite bonne chance pour la poursuite de sa carrière. De toute façon, plus rien n'a vraiment d'importance, il voudrait dormir, juste dormir.

lundi 28 avril 2008

Je voudrais être un temps de cerveau disponible...

Si vous écoutez France Inter, vous êtes forcément fan de Monsieur X, mystérieux agent secret qui n'a rien d'érotique mais vous raconte avec brio les dessous de l'histoire. Il secoue les nobles pantalons de la politique pour en faire tomber les vieux slips coincés dedans et vous retourne comme un gant les jolies apparences de la diplomatie pour en exhiber les grosses coutures au fil épais.

Pour chaque poste de MCF obtenu , il y a toujours un Monsieur X pour vous raconter l'histoire officieuse. J'ai croisé beaucoup de Monsieur X...
C'est un poste lyonnais très profilé pour une candidate locale mais le hasard est cruel, il correspond exactement au profil d'une autre candidate qui, par ailleurs, a un dossier plus sérieux : il suffit pas de ne pas auditionner ladite candidate pour éviter le risque qu'elle fasse de l'ombre à la locale.
C'est un poste toulousain où on décide d'inviter l'un des candidats la veille pour l'aider à préparer son audition.
C'est un poste parisien où le président de la commission insatisfait du choix de ses ouailles fait voter et revoter inlassablement jusqu'à ce que le résultat coïncide avec ses attentes.
C'est un poste ici pour lequel la Commission de Spécialiste n'a pas trouvé de candidat et qui est remis au concours l'année suivante. On apprend plus tard que le candidat pressenti n'a pas soutenu sa thèse dans les délais mais qu'il sera fin prêt pour l'année à venir.
C'est un poste là dont le profilage est si précis qu'il suffit de regarder dans l'entourage du laboratoire pour savoir pour quel candidat il a été taillé...

En ce moment, je n'ai pas envie d'entendre les Monsieur X, je voudrais juste lire le Journal Officiel et sa définition du concours de MCF comme on regarde TF1 : heureuse et béate, nageant dans un océan tiède d'illusions et d'optimisme et regarder voler les belles mouettes publicitaires qui me vantent une belle vie d'enseignante chercheuse dont le linge sécherait plus blanc dans un grand jardin pour ne pas voir que dans le fond, des requins borgnes taillent en pièce des raies manta qui pourraient leur faire de l'ombre en grandissant.

(la médiocrité de toutes ces métaphores douteusement enchâssées illustre finalement assez bien l'humeur du jour. Allez, une petite tablette de chocolat plus tard, la vie sera plus douce... KKK de toutes les régions, unissez-vous et faîtes mentir les Monsieur X!)

vendredi 25 avril 2008

Deviens MCF : épisode 5


(rappel de l'épisode précédent : après quelques longues nuits solitaires à compiler du latex, l'aspirant MCF a dépensé 1/2 RMI pour envoyer 10 kg de dossiers dans toute la France.)

Pendant deux semaines, le docteur qualifié retrouve un semblant de quiétude : le sentiment du travail bien fait lui redonne l'appétit et le sommeil. Quelle bonne idée d'avoir choisi la police Helvetica pour les sous-titres, il est encore surpris d'avoir réussi à si bien ficeler un projet d'enseignement à partir des seuls pages Internet et les jolis timbres appliqués sur les enveloppes à son adresse lui porteront sans doute chance.

Puis peu à peu l'horizon de son insouciance s'obscurcit, il sait que ses dossiers sont parvenus et recevables (son ami Antares lui a écrit souvent et son facteur a bourré sa boîte d' accusés de réception avec le même enthousiasme qu'un politique perpignanais aux chaussettes garnies face aux urnes), il pense à tout moment que peut-être dans une salle de cours, des hommes et des femmes se partagent une haute pile de dossiers et que le moment crucial où son dossier va être donné à M. Cruello et non à M. Elpido peut déterminer la suite.

Messieurs Cruello et Elpido ont rangé les dossiers dans leurs sacoches en cuir, entre une paquet de copies à corriger et un guide du Routard, emprunté à la bibliothèque, sur la Crète où ils participeront à une conférence en juin. Ils ont une petite quinzaine de jours pour lire chaque oeuvre et s'en faire les hérauts ou les pourfendeurs à la prochaine réunion.

Lors de celle-ci, la haute pile de dossiers est dramatiquement décapitée : à ma droite la dizaine de champions qui pourra venir croiser le fer de la séduction, à ma gauche, la longue pile des sans-appuis, sans-amis, sans-publis, hors-sujet, décatis. Enfin tous les éclopés qui auront l'été pour se motiver à recommencer une autre année de campagne... ou pas.

L'aspirant MCF retenu reçoit un coup de fil auquel il répond en bredouillant, un mail auquel il répond avec retenue et file sur sncf.voyage.com pour prendre un aller-retour à 140 euros pour la semaine suivante. Comme il est auditionné à 9h30, il prend aussi une chambre d'hôtel dans cette ville qu'il espère faire sienne, tel Pâris ravissant Hélène. Comme il reçoit un autre coup de téléphone chanceux le lendemain, qui lui propose de venir voir Nice la même après-midi, il change son retour Brest-Lille pour un Brest-Nice avec changement à Paris qui lui coûtera la modique somme de 460 euros et cherche s'il a des amis niçois qui pourront l'héberger le soir. Qu'importe la dépense et qu'importe le chemin, le grand moment arrive : il va rencontrer le KKK.

mercredi 23 avril 2008

In the Mood for Fear

Et si rien? Et si Kalai Elpides s'arrête dans deux semaines avec la dernière Commission? Et si je ne rencontre même pas un KKK? Et si personne ne m'appelle ou ne m'écrit?
Je suis d'humeur à cliquer frénétiquement sur Antares dès fois que.
Je suis d'humeur à lire mon marc de thé pour y voir surgir des noms de ville
Je suis d'humeur à hanter les lieux de culte : une cuillère pour Jésus, une cuillère pour Shiva, une cuillère pour Abraham, une cuillère pour Mahomet, une cuillère pour Bouddha ...
Je suis d'humeur à m'enterrer avec un lapin et un ours en les suppliant de prolonger avec moi la réconfortante amnésie d'une hibernation prolongée.
Je suis d'humeur à palpiter comme une méduse quand le téléphone sonne ou que Thunderbird bing.

Je suis d'humeur à épiler des cactus : j'y vais, un peu, beaucoup, à la folie, passionnément, pas du tout, j'y vais, un peu, beaucoup, à la folie, passionnément, pas du tout, j'y vais, un peu, beaucoup, à la folie, passionnément, pas du tout, j'y vais...

mardi 22 avril 2008

Deviens MCF : épisode 4

(rappel de l'épisode précédent : tel un chauffeur parisien enfin détenteur d'une licence dûment acquise à la sueur de ses mains contre un volant synthétique, le docteur a le droit de se présenter aux concours de MCF)

La fin de l'hiver est une période réjouissante : le petit agneau s'il a échappé au banquet pascal gambade près de sa mère, les perce-neiges taquinent les muscaris sur des pelouses gonflées de l'humidité d'un hiver généreux, les jambes des filles se dénudent et se dépoilent et les marchands de glaces sortent de leur terrier hibernatoire avec leur petit chariot tintinabulant. Tandis que les étals des marchés font la part belle aux tendres asperges sauvages et aux petits oignons frais, le Journal Officiel offre à l'aspirant MCF un article fleuri de codes élaborés qui seront autant de jeunes fruits sauvages à découvrir. A chacun de ses codes correspond un poste de MCF avec un intitulé mystérieux et c'est l'occasion d'un formidable jeu de piste ludique et initiateur que j'ai déjà évoqué et .

Version Officielle : les postes étant des concours républicains, chaque candidat consulte le profil de poste disponible sur les sites des établissements pour évaluer la pertinence de sa candidature, envoie un dossier extrêmement réglementé et s'abstient d'y glisser tout élément perturbateur - chèque en blanc, photo en maillot de bain ou lettre de recommandation de dirigeant haut placé- pour permettre à la commission de spécialistes de juger la qualité des candidats sur des faits objectifs et démocratiques.

Version Officieuse : tout candidat sérieusement motivé doit absolument mener une campagne souterraine pour avoir des informations sur la situation en temps réelle, heure par heure, et faire connaître ses atouts secrets. Les fausses questions sont : quels sont les enseignements pressentis? Quel est l'axe de recherche privilégié? Les vraies questions sont : y-a-t'il un candidat local? (un jour, il faudra que je parle de ce personnage clef dans le recrutement MCF) Y'a-t-il des dissensions entre les membres de la commission? Qui compose le KKK et qui le dirige?
En parallèle, l'aspirant envoie de nombreux mails et téléphone à moult personnes pour essayer de se faire remarquer et devenir le poulain d'un des membres de la CS qui veut au choix contrer le candidat local, renforcer son axe scientifique ou même parfois juste faire son travail honnêtement. Cette fois-ci, les 3 ananas de Las Vegas consistent pour l'aspirant à décrocher un séminaire sur les lieux du crime. En apparence, il s'agit juste de venir présenter des travaux scientifiques. Dans la réalité, c'est une campagne marketing digne des acteurs français au Japon: serrage de mains pour qu'on se souvienne de vous au moment de la défense des dossiers, pré-audition, c'est le moment stratégique où vous pouvez rivaliser avec le candidat local.

Le dossier pesé, soupesé et repensé est envoyé officiellement au chef de l'établissement et réellement au Service du Personnel qui se charge d'enlever les chèques en blanc, les photos en maillot de bain et les lettres de recommandations et les transmet au Président de la Commission de Spécialistes. Le candidat MCF n'a plus qu'à attendre pour savoir s'il sera auditionné

<MESSAGE A CARACTERE INFORMATIF : Si tous les épisodes du passionnant feuilleton étaient jusqu'ici aussi vibrants d'émotion et aussi saisissants de sincérité, c'est qu'ils avaient été vécus par votre humble servante pandorienne. Ce qui va suivre n'est qu'élucubration à partir de témoignages directs ou indirects et d'expériences patiemment collectées (relire tous les jours cet excellent article du monde est une bonne règle d'hygiène de l'aspirant MCF). Si des vrais membres de KKK, voir même des présidents, veulent venir raconter ici ce qui se passe dans leur réunion secrète, ces modestes colonnes leur sont bien entendu grandes ouvertes.>

lundi 21 avril 2008

L'attente...


Thunderbird, oh Thunderbird, ne vois-tu rien venir?

Depuis quelques jours, une tension supplémentaire : les KKK se réunissent en ce moment et ce pendant quelques semaines. Les dates ne sont pas forcément publiées (sur 19 dossiers, je n'en connais que deux). Donc à tout moment de la journée, il y a potentiellement un KKK en train de parler de vous pour savoir s'il veut rencontrer en vrai, pour se demander pourquoi votre thèse est si longue et votre liste de publications si courte.

Et une question cruciale : comment le KKK vous informe-t-il donc de son aimable invitation? J'ai éliminé le cavalier messager chevauchant vaillamment à travers la France pour dérouler en trompette son parchemin, j'ai éliminé le pigeon voyageur qui délivre un petit tuyau de métal contenant un fin papier codé, j'ai éliminé le courrier postal susceptible de mettre 7 jours à vous informer que vous êtes attendus dans 2 jours, j'ai éliminé le coup de téléphone sur le portable : la plupart des téléphones de fac sont bridés pour restreindre le budget de l'Etat. Ne reste plus que l'option email/courriel/message électronique...

Mais s'ils se trompent dans mon adresse? Ou si le message est jugé indésirable et versé illico presto au milieu des indésirables publicités qui me proposent régulièrement d'enlarger mon pénis ou de chater avec des filles qui aiment se doucher?

samedi 19 avril 2008

Deviens MCF : épisode 3


(rappel de l'épisode précédent : à l'issue d'une cérémonie très protocolaire et sans surprise, le doctorant est devenu docteur et mais continue à culpabiliser quand il passe un week-end loin de son ordinateur)

Une fois docteur, le futur MCF peut chercher un travail, un vrai qui lui vaudra une reconnaissance sociale et qui fera dire à sa grand-mère qu'il va enfin avoir un métier utile.

Comme la SPA essaie de placer ses animaux malheureux au sein de familles accueillantes, une association, l'Association Bernard Grégory essaie de placer des docteurs dans des entreprises. Le problème, c'est qu'il est bien connu en France qu'un doctorant n'a pas vraiment de diplôme ni de compétence et que le DRH le soupçonne d'être surtout un jeune anarchiste fumeur de chichon qu'il va être difficile de mettre au pas de la World Business Company. Le docteur qui veut avoir un vrai travail va donc chercher une formation, une vraie, ou partir commencer une nouvelle vie en faisant table rase du passé : un tour du monde pour trouver un sens à sa vie désormais sans thèse, un avenir de berger gardien de troupeaux, des missions humanitaires dans des associations ou de la vraie Recherche avec des moyens et un salaire décent aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne.

Une partie des docteurs songe cependant que le temps de la thèse était une parenthèse enchantée qu'il sera bon de prolonger ad vitam eternam et que devenir Chercheur à perpétuité serait finalement un doux châtiment en rémission de la vie dissolue qu'il a menée jusqu'ici. Pour prétendre enseigner la littérature galloise du 12ème siècle, la reproduction des algues du littoral breton ou la gestion d'une messagerie Outlook, ces docteurs doivent prouver à la Mère Patrie à qui ils ont goulûment tété les mamelles de l'érudition qu'ils sont dignes de prétendre aux hautes fonctions de MCF. Ils collectent donc patiemment dans leur histoire personnelle tous les faits et gestes qui pourront leur permettre d'être qualifié aux fonctions de MCF et donc d'avoir le droit de candidater sur les postes offerts au concours. Tous ces faits sont synthétisés dans un joli dossier envoyé à deux rapporteurs désignés qui statueront sur les potentielles aptitudes du candidat à dispenser son savoir auprès de la population estudiantine.

La qualification se fait par section disciplinaire : donc si vous avez étudié l'influence de la musique baroque sur la croissance de la vigne bordelaise entre 3 heures et 5 heures du matin dans l'hémisphère nord. Vous pouvez postuler :
  • en section 22 : Histoire et civilisations : histoire des mondes modernes, histoire du monde contemporain ; de l'art ; de la musique
  • en section 68 : Biologie des organismes
  • en section 23 : Géographie physique, humaine, économique et régionale
Le problème est que souvent, les musicologues vous diront que vous êtes un biologiste, les biologistes diront que votre profil relève de la musicologie et les géographes diront, avec raison, que votre parcours bordelais ne vous permet pas d'enseigner la géographie.

De plus, au sein même d'une section disciplinaire, on pourra vous reprocher au choix : de n'avoir pas assez enseigné, de ne pas avoir assez publié, de ne pas présenter un profil de recherche intéressant.

Donc quand Antares, le Grand Ordinateur Omnipotent qui est au ministère de la Recherche et de l'Enseignement Supérieur ce qu'HAL était à 2001 l'Odyssée de l'Espace vous informe que vous êtes qualifié dans au moins une section, c'est un peu comme si une machine de Las Vegas alignait 3 ananas : vous venez de gagner le droit de participer au concours des MCF et contrairement aux concours Redoute ou 3 Suisses, c'est un vrai privilège! Si vous avec perdu, vous pouvez toujours attendre un an et rejouer pour le prochain tirage.

vendredi 18 avril 2008

Mur-Mur de Fac 2

La fac est en vacances, longues allées vides et patios silencieux, seuls les murs n'en finissent pas de mur-murer en silence que ce lieu est un lieu de pensées...

jeudi 17 avril 2008

Le KKK*, le vrai visage des CS**


Une petite interruption dans le feuilleton "Deviens MCF" pour évoquer ceux à qui je songe très souvent en ce moment : les membres du KKK. Pour n'avoir encore jamais rencontré de KKK, j'ai le privilège de l'imagination et à cet exercice-là au moins, je suis très forte.

Bien sûr, mon KKK porte de hautes cagoules pointues blanches. Bien sûr, comme mon KKK est fourbe et sournois, il a adopté des cagoules virtuelles et du coup il ressemble à n'importe quelle réunion de scientifiques réunis pour une quelconque occasion . Mon KKK est mixte : il est peuplé de femmes et d'hommes, de jeunes et de vieux. Mais comme il est scientifique et responsable, il a forcément plus d'hommes que de femmes et plus de vieux que de jeunes (de toute façon, c'est bien connu, les femmes jeunes dans la recherche, elles sont tout le temps enceintes et jamais disponibles après 17h!). Donc finalement mon KKK n'est constitué que de vieux chercheurs.

Les études statistiques menées en préambule à nos investigations montre que le KKK est composé de 43% de chemises en coton rayé, de 35% d'acrylique sous forme de pulls en jacquard, de 12% de poil naturel qui sort du T-shirt avachi et de 10% de lin bio parce que c'est la fin du printemps et que le lin allie fraîcheur de la fibre naturelle et élégance nonchalante du quinquagénaire fringant.

30% de mon KKK est chauve avec plein de cheveux bouclés à l'arrière du crâne, 25 % est chauve avec une grande mèche rabattue sur le côté pour cacher le lustré de la calotte crânienne et 10% se fait couper les sourcils chez le coiffeur.

80% de mon KKK a un poulain et pourtant 0% de mon KKK relève de l'étalon et les 15% qui s'intéressent aux courses hippiques ignorent tout du débourrage des jeunes chevaux.

Pendant que je parle, mon KKK lit un journal habilement plié en quatre sous des dossiers, pense à une de ses doctorantes dont les protubérances mammaires sont une provocation à la gravité terrestre, se demande s'il part à Etretat le week-end prochain ou explore son conduit auditif avec l'auriculaire en quête d'une substance qu'il pourra examiner à loisir pendant les 4 prochaines minutes.

Mon KKK fait des mines sévères, hoche la tête souvent, compulse des dossiers annotés au crayon, se gratte le front, caresse son menton râpeux et échange parfois des coups d'oeils avertis d'un côté de la table à l'autre.

Après la réunion, le KKK partira festoyer dans un restaurant renommé de la région. L'un d'entre eux sera parti furieux de l'échec de son poulain et les autres riront gaillardement autour d'une entrecôte saignante en songeant à tous ces candidats malhabiles et suants qui ont essayé de leur faire acheter un projet de recherche et d'enseignement bien illusoire.
___________________
* KKK : Komissions Konsultatives Korruptibles : assemblée secrète de décideurs choisis pour offrir une configuration propice à entériner les décisions souterraines dites "de couloir"
** CS : Commissions de spécialiste : honorable assemblée d'enseignants chercheurs émérites qui vise à choisir parmi les candidats offerts à leur sagacité celui ou celle qui sera le ou la plus à même de porter haut les couleurs de leur institution.

mercredi 16 avril 2008

Deviens MCF : épisode 2


(rappel de l'épisode précédent : l'étudiant a réussi moyennant 5kg supplémentaire ou 10 kilos perdus à finir sa thèse et a préparé une jolie présentation pour synthétiser 3ans 5 ans de dur labeur)


On a mis une jolie robe ou un jean propre, même s'il est troué, ça a été pensé. Cette journée a été trop souvent rêvée ou fantasmée pour qu'il y ait de la place pour l'improvisation. Le matin, il a fallu aller acheter des bouteilles en plastique pleines de soda et des cacahuètes qu'on versera dans des assiettes en carton. Si on a de la chance, on a de gentils parents qui ont prévu du champagne et des canapés de traiteur pris dans de la gélatine alimentaire. Sinon Picard propose désormais de très bons petits fours pour les sauteries sans âme mais il faut avoir un four -un grand- pour cuire les fours -les petits.

On ne comprend pas bien pourquoi ce jour de sacre du travail intellectuel est ainsi pris par des considérations matérielles - on a oublié le tire-bouchon-mamie ne peut pas prendre le métro- nos parents divorcés se revoient pour la première fois.

A un moment, on est seul face à tous.

On voudrait convaincre les autres, notre mamie, l'amoureux qui nous a supportée, nos copains qui ne sont jamais trop moqués de notre sujet de thèse, tous ceux qu'on aime et qui sont venus voir le zoo universitaire, impressionnés par le portrait du président dans l'entrée.

Mais on est censé convaincre la petite équipe à la bouteille d'eau : ils sont quatre/cinq, encravatés ou en-collier face à notre présentation. Même ceux qu'on connait ont l'air étranger. On parle, ils parlent. On est étrangement absent -détaché. A un moment, brouhaha, le jury délibère, on verse les cacahuètes dans les assiettes en carton en embrassant tout le monde. Le jury revient avec une sentence connue d'avance.


D'un coup, au moment où tout le monde pioche dans les assiettes à cacahuètes et les petits fours à la gelée, un grand vide saisit le coeur : on est devenu docteur...

mardi 15 avril 2008

La difformité physique est-elle préjudiciable au candidat MCF?

Samedi, j'ai rencontré une porte vitrée. C'est un fait rare qui mérite d'être souligné car à l'instar des ministres du gouvernement face à des lois environnementales, une porte vitrée s'efface toujours très discrètement à votre approche.

Samedi, telle Nathalie Kosciusko-Morizet, la porte a vaillamment fait face à la situation et a provoqué une confrontation sans concession entre mon élégant nez aquilin et un objet dont la trop parfaite transparence aurait du m'inciter à la vigilance.

Samedi après-mid, aux urgences, j'imaginais qu'après mes coups de téléphone Daffy Duck (voir vieil épisode de ce blog pourtant nouveau-nez ha ha ha), les KKK (Komissions Konsultatives Korruptibles) qui allaient m'auditionner penseraient à juste titre que le plâtre de mon nez cachait peut-être une difformité canardesque et que cet artifice pour planquer mon bec était dénoncé par une voix nasillarde due aux nombreuses contusions qui occupent désormais mes douloureux nasaux. La campagne 2008 est-elle placée sous la malédiction du canard?

Mardi matin, après examen attentif dans un miroir, il semblerait plus probable que mon cas relève davantage des conséquences d'une nuit partouzienne, orgiaque et psychédélique entre la schtroumpfette, un chiot boxer et Marcel Cerdan (au temps où il pouvait encore avoir une vie orgiaque).

dimanche 13 avril 2008

Deviens MCF : épisode 1

C'est la première marche.


On met le pied dessus avec une certaine fierté parce qu'on quitte en douceur le monde étudiant pour faire de sa curiosité intellectuelle une éventuelle vocation. Parce que brusquement nos anciens professeurs nous demandent de les tutoyer. Parce qu'on imagine qu'un jour devant amis et famille, réunis et émus, un jury éminent nous dira qu'on a accompli un travail remarquable.


Elle peut être bancale, glissante et branlante : sans financement, on montera dessus à l'aide d'heures laborieuses à la solde de Ronald ou de surveillance de salles informatiques. Etudiant en batterie, on ne sera qu'un nom parmi la trentaine de volailles qu'un directeur de thèse exploite pour ses travaux.


Elle peut être taillée dans le marbre : on s'y juchera dans la souplesse d'une bourse de recherche, d'un directeur de thèse disponible, d'un sujet à la mode et d'un joli bureau dans les locaux d'une université prestigieuse. 


On croyait que c'était une marche et on découvre que c'est un long no man's land hanté de questions insidieuses des proches -dis, tu finis quand?- dis c'est quoi déjà ton sujet de thèse?- dis, tu vas faire quoi après? - et de désillusions sur les colloques, l'enseignement, son sujet de thèse, son directeur, ses envies, ses capacités intellectuelles...


Finalement un jour, on arrive à déposer quelques mois plus tard que prévu un document qu'on a sauvegardé sur toutes les machines disponibles et même sur Internet au cas où une bombe tomberait sur sa ville. Il est accompagné d'une lettre disant qu'on est autorisé à soutenir : on quitte la marche doctorant en y laissant ses collègues exsangues et on accède, épuisé, à celle de docteur...

jeudi 10 avril 2008

Mur-Mur de Fac 1

Quand je serais dépressive ou MCF ou les deux, je quitterai l'endroit où je mange du chocolat dans la poussière de craie entre deux cours et deux articles. Cet endroit ne ressemble à rien : il n'a pas de longs couloirs immaculés, d'imposants amphithéâtres embellis de peinture de maître, pas de campus verdoyant, de jolies plaques sur les portes. Il pleut dans les salles de cours, les murs sont plein de graffitis, des couloirs glauques et vides circulent entre des patios boueux. Pourtant sous la dalle rose et entre les blocs sans âme, au détour des préfabriqués et des parkings souterrains, il flotte une force vive de résistance, de vie et d'envie qui m'émeut tous les jours. Aussi, avant de le quitter, je le photographie car il est le meilleur argument contre les bâtiments aseptisés, portes bleues ou grises, joli lino et bureaux assortis qui fleurissent dans les universités récentes. J'ouvre donc la première catégorie de ce blog : quelques clichés volés de l'Université.

Mon graffiti préféré, celui que je croise tous les matins et qui tous les matins me fait sourire...
Pour les déficients visuels, le petit graffiti de droite en plus grand...

mercredi 9 avril 2008

Suivi des auditions MCF


Après la tempête des dossiers, le calme plat... On attend le mail qui vous dira si vous avez le droit de traverser la France pour défendre votre cas. Rien de pire que cette incertitude, se dire qu'en ce moment-même, si ça se trouve, votre dossier est en train de passer dans des mains amies ou traîtresses dont le/la propriétaire dira qu'il/elle pense que vous êtes intéressante... ou pas.

De ces séances de tractations secrètes, nul écho à moins d'avoir des amis dans la réunion savante. Pour les orphelins des Commissions de Spécialistes, il est possible, grâce au site du ministère à quelques sympathiques initiatives personnelles, de connaître le calendrier des postes sur lesquels vous avez candidaté :
Si vous en connaissez d'autres, je suis preneuse...

mardi 8 avril 2008

MCF pour les nuls


Loin de moi l'idée de dénigrer les étudiants de l'Université, même si c'était le sport préféré de mes professeurs de khâgne ("mes pauvres enfants, avec une maîtrise universitaire, aujourd'hui, au mieux on fait caissier chez Tati" adorait nous seriner une prof d'anglais dont le nom m'est resté en mémoire car il avait la délicieuse propriété d'être modifié en "Ayatollah" par le correcteur orthographique de Word) ou du CIES (organisme de formation qui vous apprend justement à devenir MCF : "Gardez à l'esprit que l'étudiant à la fac est là par défaut : c'est qu'il n'a pas pu intégrer une grande école" nous informa un jour un grand chauve, prof en sciences de l'éducation). Loin de moi donc l'idée de déclarer que les MCF sont pour les nuls mais chère à mon coeur l'idée de présenter en quelques mots le parcours du MCF.


En effet, comme en ce moment j'ai l'impression qu'expliquer à ma famille et mes amis ma campagne de recrutement équivaut à leur parler de ma thèse, je me suis dit qu'une petite explication s'imposait pour éviter les mêmes réactions de perplexité ("Et tu travailles là dessus depuis 4 ans???) ou de charité ("Oh, je comprends toujours pas très bien, mais ça doit sûrement être intéressant pour quelques personnes").


Comme je ne suis pas sûre que tout le monde maîtrise les bases, je commence par une présentation synthétique : 1) c'est quoi un MCF? 2) que faut-il pour devenir MCF?


La question 1) incite au quizz :

- Malheureux Chercheur Fonctionnaire? -BiiiiIIIIIIiiiip, essaie encore!

- Membre de la Confrérie des Farceurs? - BiiiiIIIIIiiip, essaie encore!

- Mother C. Fucker -BiiiiiiIIIIiii, m'enfin!

- Misérable Collègue des Facultés? - BiiiiIIIIIiiip, essaie encore!

- Magnanime Chanoine des Forces? Bon, on s'arrête là!


Un MCF, c'est un maître de conférence, autrement dit la personne qui donne des cours à l'Université (ou l'IUT, ou l'IUFM ou d'autres endroits où y'a de la craie et des marques de feutre Weleda sur les mains) mais qui ne s'appelle pas prof parce qu'il est trop jeune. Donc le MCF est un peu au professeur ce que le padawan est à Yoda. Un MCF est un Enseignant- Chercheur donc en théorie il enseigne et fait de la Recherche, et dans la pratique il enseigne et essaie de faire de la Recherche s'il lui reste du temps. Enfin, un MCF est fonctionnaire et peut donc rester MCF jusqu'à sa retraite (où il n'est plus remplacé), il peut rentrer gratuitement dans les musées nationaux, il a 5% de réduction dans les librairies et gagne 1650 en début de carrière. Sa tenue vestimentaire dépend de la bande de MCF qu'il fréquente : en biologie, le MCF porte la blouse, en informatique, il porte un Tshirt de conférence en informatique, en anglais, il porte beaucoup de colliers, en ethnologie un pull en jacquard fait main, en sociologie des petites lunettes tendance et en droit un costume de représentant en encyclopédie.


J'allais aborder la question 2 qui est finalement le coeur de cet article mais j'ai des asperges sur le feu, donc je propose de commencer un feuilleton palpitant dont les épisodes seront... les différentes étapes qui font le MCF. Pour éviter qu'on m'accuse de manipuler le Blog Rank à coup d'annonces, je balance dès le premier épisode toutes les fins de chaque épisode!


  • Episode 1 : L'inscription en Thèse (à la fin, l'étudiant a un papier qui lui permet de dire qu'il est "doctorant")
  • Episode 2 : La thèse (à la fin, l'étudiant a un papier qui lui permet de dire qu'il va bientôt soutenir)
  • Episode 3 : La soutenance ( à la fin, l'étudiant est saoul et a un papier qui lui permet de dire qu'il est "docteur")
  • Episode 4 : La crise existencielle post-thèse (à la fin le docteur prépare un dossier de qualification)
  • Episode 5 : La qualif' (à la fin le docteur se dit qu'un jour peut-être il sera MCF)
  • Episode 6 : La candidature aux postes (à la fin le docteur se dit qu'il ne sera jamais MCF)
  • Episode 7 : L'audition ( à la fin le docteur est soit dépressif, soit MCF)

vendredi 4 avril 2008

Le message du jour


Il arrive à intervalle régulier dans ma boîte aux lettres et il a le doux son rassurant du balancier de l'horloge de mes arrières-grands parents...
Il n'est, à chaque fois, ni tout à fait le même, ni tout à fait un autre...




UNIVERSITE KINENBAUCHE : candidature de Mlle PANDORE au poste n° 007 de Maitre de conférences, section Espionnage de sa Majesté (Article 26-I-1).


Vous êtes invité(e) à vous connecter sur le site ANTARES-ANTÉE http://www.education.gouv.fr/personnel/enseignant_superieur/enseignant_chercheur/antares.htm), muni de votre numéro de candidat(e) pour connaître l'état d'avancement de votre dossier de candidature à un poste d'enseignant-chercheur.


L'établissement universitaire à qui vous avez adressé le dossier vous invite à en prendre connaissance prochainement.


Cordialement.


[Ce message automatique adressé au candidat retournera à l'établissement affectataire du poste, en cas d'adresse électronique inexistante ou inexacte]


Par deux fois, les taquins services du personnel m'ont fait la blague du "dossier papier non parvenu" : un petit mail et tout est rentré dans l'ordre : mon dossier est a priori recevable partout!

jeudi 3 avril 2008

Je me souviens...


A l'heure où mes dossiers amoureusement constitués errent de secrétariats bruyants en sacoches à miettes et copies de rapporteurs, je me souviens d'un article du monde paru l'an passé et que j'ai réussi à retrouver bien qu'il ne soit plus en ligne...

Université : la foire à l’embauche,

( par François Clément LE MONDE | 26.06.07 )

“Mai le joli mai, le mois des commissions de spécialistes. L’université recrute ses professeurs et ses maîtres de conférences. En juin, les jeux sont faits. Ici l’on pleure, ici l’on rit. Candides candidats, si vous saviez… Par bonheur, il existe des commissions où l’on travaille de façon honnête, impartiale, au mérite, en cherchant à résoudre l’impossible équation entre le profil d’un poste et celui d’une personne qu’on ne connaît pas, qu’on découvre d’abord sous la forme d’un dossier de candidature, puis durant la “foire aux bestiaux” (qui porte le nom d’audition), cet exercice rituel comme l’université les aime : quinzeminutes de parade pour la bête de concours et quinze de tripotage pour nous autres, les maquignons.

Mettez-vous à notre place : cette personne devant nous, c’est-à-dire vous, qui avez deux petits quarts d’heure pour vendre votre peau, que nous intimidons, nous les quinzeinconnus qui vous dévisageons (bien évidemment, il ne nous vient jamais à l’esprit de nous présenter), comment savoir ce qu’elle a dans le ventre? Ah oui, les rapporteurs l’ont dit, et vous l’avez redit dans votre boniment, vous êtes titulaire d’une thèse compostée à l’automate THF (Très honorable avec les félicitations du jury) et vous avez publié quelques articles, forcément des travaux de jeunesse puisque vous êtes jeune… Mais comment savoir si vous ferez l’affaire? Tout recrutement est un pari, car ce fameux profil tient de la carpe et du lapin : une chimère. Vous serez donc spécialiste de ceci (pour notre équipe de recherche) et en même temps de cela (pour les besoins de l’enseignement). Vous assurerez la préparation à l’agrégation (sur la nouvelle question, bien sûr; vous vous “taperez” les deux cours de masse (CM) de première année : 600copies par session, à raison de deux semestres et de deux sessions par semestre, ça fait 2400copies, sans compter l’ordinaire). Recherche, enseignement, et quelques tâches administratives.

Ainsi va notre quotidien, ainsi ira le vôtre. Et, voyez, nous sommes néanmoins capables de former de bons éléments, tels que vous, et de publier dans les revues internationales. Ne vous plaignez donc pas. Nous pourrions vous tirer à la courte paille, ou procéder comme dans les jeux d’enfants : plouf, plouf, ce-se-ra-toi… Où est le mal, d’ailleurs, du moment que la commission respecte l’égalité de traitement? Mais voilà, comment le dire, la perfection n’étant pas de ce monde, il faut compter avec les petits malins, les stratèges, les pêcheurs en eau trouble, les sournois, les anguilles, les sicaires, les moisis, les imbus du nombril, les après-moi-le-déluge, les timbrés, les jaloux – non, pas vous– nous, les membres de la commission! Alors, l’adéquation entre votre candidature et le profil du poste, vous pensez que ça se discute… Surtout lorsqu’il faut caser le poulain de Dupont. Ou le flinguer, parce que Dupont a fait le coup l’an passé à Durand et que le soutien de Durand est indispensable pour faire passer la pouliche de Dubois l’an prochain… Mais vous qui piétinez à la porte, ne perdez pas espoir. Vous avez une chance. La preuve? Lisez la suite. Tout y est authentique. Ici, on recrute sur un poste de langue étrangère une personne (très sympathique) qui présente l’intéressante particularité… de ne pas connaître la langue en question. Le petit personnel, nos (très utiles) vacataires, s’occupera fort bien du ménage (les cours de langue). Là, c’est une historienne qu’on parachute sur un poste de langue (oui, certaines langues sont bonnes filles en ce moment). Pas de problème, non plus, elle, au moins, en sait suffisamment pour assurer l’initiation. Quant au reste, grammaire, langue de spécialité, analyse littéraire, traduction technique, oral, tous ces trucs de linguistes, quelle idée d’embêter les étudiants avec ça! La valetaille y pourvoira.

Ailleurs, la commission a carrément fait tilt : concours infructueux. Les billes n’étaient-elles pas bonnes? Non, il y avait d’excellents candidats. Mais on dit que trois caciques ont décidé de régler leurs comptes; ou que M. le professeur X de l’université Y venant passer six mois en France, il faut trouver le support budgétaire; ou que… Il y a toujours une raison.

Voulez-vous que nous parlions du clanisme? Dommage, c’est parfois aussi rigolo que les histoires des O’Timmins et des O’Hara. Ou du népotisme? À ce propos, un conseil : ne vous mariez pas, ne vous pacsez pas, restez dans le concubinage et veillez à déclarer des domiciles séparés. Ainsi madame, membre de la commission, pourra participer au recrutement de monsieur, dont rien n’établit, juridiquement, qu’il a le moindre lien avec elle. Faut-il également dresser la liste des innombrables “irrégularités” de procédure? Le ministère s’en inquiète tous les ans, mais il n’a pas compris : nous connaissons parfaitement la règlementation. Ou recenser les cas de complète illégalité? Par exemple, cette commission dont l’un des membres ne possède aucun des titres requis pour en faire partie. Mais, chut, nous avons notre code de l’honneur, nous autres : le linge sale se lave en famille (le mieux, d’ailleurs, étant de ne pas le laver).

Allons, rassurez-vous, de telles pratiques sont marginales, nos commissions travaillent avec conscience, on ne le répètera jamais assez. Ou alors, il s’agit d’un banal incident, comme il en arrive à tout le monde dans la vie. Vous vous rappelez la scène? Vous poireautez dans le couloir, debout à tour de rôle parce qu’il n’y a qu’une malheureuse chaise pour quatre. Soudain, vacarme : la porte de la salle explose, le professeur Machin surgit, blême, tremblant, s’en va, une main referme la porte. Et puis voilà, plus rien, le calme est revenu. Nous vous le disions : un banal incident de parcours.

La prochaine fois, nous vous raconterons les commissions du CNU (Conseil national des universités). Pour l’heure, future ou futur “Cher(e) collègue”, réjouissez-vous d’avoir pu concourir. Et laissez-nous jouer. Avec l’autonomie des universités, vous allez voir, nous allons bien nous amuser.“

François Clément, enseignant-chercheur, membre titulaire des commissions de spécialistes

mercredi 2 avril 2008

Campagne 2008 en chiffres...


Ils sont partis hier emportant avec eux....
  • 190 photocopies de rapport de soutenance
  • 389 pages de cv analytique
  • 19 projets de recherche innovants et 19 projets d'enseignements novateurs
  • 57 actes de candidatures signés et datés
  • 57 photocopies de diplôme de doctorat
  • 57 photocopies de ma carte d'identité
  • 79 enveloppes avec nom et numéro de poste
  • 53 euros de papeterie : grandes et moyennes enveloppes, transparents de couverture, jolis papiers et baguettes à relier
  • 19 enveloppes à mon nom avec timbres de collection dont la beauté était corrélée avec mon intérêt pour le poste
  • 120 euros de frais d'envois
  • 7,6 kg de papier à porter à la Poste
A l'ère du numérique et de l'écologiquement correct, on se prend à rêver qu'à l'instar du CNRS, les Universités mettent en place les candidatures électroniques...
Quand aux chiffres officieux, c'est:
  • 79 mails échangés pour prendre contact avec les responsables
  • 5 cafés par jour pendant 4 jours
  • 8 tablettes de chocolat en deux semaines
  • 1 week-end studieux alors que le temps invitait à aller boire des bières en bord de fleuve
  • 5 nuits gâchés par des rêves de compilation en latex
  • 8 ans de boulot prêts à prendre tout leur sens....ou non