vendredi 25 avril 2008

Deviens MCF : épisode 5


(rappel de l'épisode précédent : après quelques longues nuits solitaires à compiler du latex, l'aspirant MCF a dépensé 1/2 RMI pour envoyer 10 kg de dossiers dans toute la France.)

Pendant deux semaines, le docteur qualifié retrouve un semblant de quiétude : le sentiment du travail bien fait lui redonne l'appétit et le sommeil. Quelle bonne idée d'avoir choisi la police Helvetica pour les sous-titres, il est encore surpris d'avoir réussi à si bien ficeler un projet d'enseignement à partir des seuls pages Internet et les jolis timbres appliqués sur les enveloppes à son adresse lui porteront sans doute chance.

Puis peu à peu l'horizon de son insouciance s'obscurcit, il sait que ses dossiers sont parvenus et recevables (son ami Antares lui a écrit souvent et son facteur a bourré sa boîte d' accusés de réception avec le même enthousiasme qu'un politique perpignanais aux chaussettes garnies face aux urnes), il pense à tout moment que peut-être dans une salle de cours, des hommes et des femmes se partagent une haute pile de dossiers et que le moment crucial où son dossier va être donné à M. Cruello et non à M. Elpido peut déterminer la suite.

Messieurs Cruello et Elpido ont rangé les dossiers dans leurs sacoches en cuir, entre une paquet de copies à corriger et un guide du Routard, emprunté à la bibliothèque, sur la Crète où ils participeront à une conférence en juin. Ils ont une petite quinzaine de jours pour lire chaque oeuvre et s'en faire les hérauts ou les pourfendeurs à la prochaine réunion.

Lors de celle-ci, la haute pile de dossiers est dramatiquement décapitée : à ma droite la dizaine de champions qui pourra venir croiser le fer de la séduction, à ma gauche, la longue pile des sans-appuis, sans-amis, sans-publis, hors-sujet, décatis. Enfin tous les éclopés qui auront l'été pour se motiver à recommencer une autre année de campagne... ou pas.

L'aspirant MCF retenu reçoit un coup de fil auquel il répond en bredouillant, un mail auquel il répond avec retenue et file sur sncf.voyage.com pour prendre un aller-retour à 140 euros pour la semaine suivante. Comme il est auditionné à 9h30, il prend aussi une chambre d'hôtel dans cette ville qu'il espère faire sienne, tel Pâris ravissant Hélène. Comme il reçoit un autre coup de téléphone chanceux le lendemain, qui lui propose de venir voir Nice la même après-midi, il change son retour Brest-Lille pour un Brest-Nice avec changement à Paris qui lui coûtera la modique somme de 460 euros et cherche s'il a des amis niçois qui pourront l'héberger le soir. Qu'importe la dépense et qu'importe le chemin, le grand moment arrive : il va rencontrer le KKK.

11 commentaires:

Anonyme a dit…

Sans parler de l'étudiant originaire des Départements d'outre-mer qui a eu la bonne idée de retourner dans sa région pour se ressourcer après 10 ans d'études passées dans une ville au climat polaire. Au début, il est fier de dispenser quelques heures de cours pour lesquelles les MCF et PR n'ont "plus de temps" à consacrer. Il est fier d'être de "retour au pays". Ses grands-parents, parents et amis ne comprennent pas grand chose à ses histoires de publis et recherches, mais eux sont très contents de le revoir prendre des couleurs. 5 ans plus tard, il se rend compte que son université régionale n'a pas l'air décidée à créer LE poste pour lequel il est qualifié. Il interroge ses pairs (recrutés moins de deux ans après la thèse, eux) qui lui répondent "qu'il ne faut pas être pressé". Désespéré, il se dit, qu'il faudra songer à retourner dans ces lointaines contrées nordiques où les sourires et les bonjours semblent des options aussi chères que sur les automobiles allemandes. Il se dit naïvement "quitte à faire le voyage, autant consulter les offres du CNRS aussi". Léger et court vêtu, il imprime, relie, enveloppe minutieusement le saint graal et l'expédie la gorge nouée au tarif obligatoire "métropole-DOM". C'est plus cher, mais tout est plus cher donc on n'y fait plus attention.
Les convocations arrivent, il est l'heure de réserver un billet d'avion pour la destination exotique de Paris (entre 740 et 1200 euros selon la période) puis il doit réserver ses billets de train : auditions à Paris (CNRS) et dans 4 universités (dans l'ordre : Bordeaux, Aix, Amiens, Lyon). Les nuits d'hôtel s'additionnent aux frais de transport. Il faut compter les repas et les coups de fil à un ami qui a été désigné pour nous remonter le moral. Trois semaines se sont déroulées sans avoir eu de contact humain. Les membres du jury se sont succédés et se sont ressemblés. Les questions sont toujours les mêmes : "et vous vivez là-bas, c'est comment ?", "parlez-moi des autochtones". Il faut garder le sourire, malgré le décalage horaire, les factures qui s'allongent et le pressentiment fou que le jury s'offre un bon moment avec un exemplaire de là-bas dont le bronzage naturel fait rêver en cette journée froide et pluvieuse. On se demande soudain s'ils ont pris conscience que notre candidature est coûteuse et sérieuse ?

Pandore a dit…

C'est aussi le piège de tous ceux qui sont allés faire un post-doc à l'étranger et qui se retrouvent loin des milieux d'influence avec des dépenses exhorbitantes pour aller postuler sur des postes où ils n'ont aucune chance, n'étant plus sur place...

Une solution : demander aux universités de financer les déplacements? Cela rendrait-il les commissions moins gourmandes en figurants?

machiavel007 a dit…

je me souviens, dans mon retour de post-doc, avoir payé mon billet retour (bien sûr) pour passer les auditions, mais avoir fait payer à l'université concernée un changement de date du billet pour aller à leur audition... suicidaire ? Non: non seulement ils ont accepté, mais en plus, j'avais été prise à l'issu de l'audition. Et je ne connaissais personne au sein du KKK.
"Quelle université?"vous aller me dire... En France ? Ben ce n'était pas en France non, mais en Belgique (quelle surprise, hein!)

Pandore a dit…

Je me souviens d'un retour de postdoc où je me maudissais de ne pas avoir osé demander de défrayement pour l'entretien... Le demander, c'était prendre le risque de déplaire. Ne pas le demander, c'était avoir la certitude d'avoir un compte dans le rouge à la fin du mois!

La précarité apprend très bien à courber l'échine...

Anonyme a dit…

Merci Pandore pour ce blog riche en renseignements, retournements et détournements, tous bien utiles à la survie du prétendant MCF en milieu hostile.
A l'heure où les premières réunions des comités ont eu lieu, Antares s'est réveillé et me défie désormais d'une mention sibylline : "dossier recevable-procédure en cours-non auditionné". Comment interpréter ces deux dernières informations inédites ? "procédure en cours", donc "convocation à venir" ? "Non auditionné" pour "qui ne sera pas auditionné" ou "qui n'est pas encore auditionné" ? Je remercie d'avance tout âme charitable qui saura traduire pour moi cette obscure formule et me dire si je dois dès à présent rire ou pleurer.

JM a dit…

Anonyme, contact le président du comité de sélection pour savoir. Mais j'ai peur que ça veuille dire ce que tu redoute...

Anonyme a dit…

Ça veut dire que tu n'es pas auditionné. La procédure en cours c'était l'étape d'avant : d'abord l'administration a étudié ton dossier et l'a noté recevable (donc transmis à la CS), ensuite ils le considèrent pour la première CS ("procédure en cours"), puis la préselection a décidé de ne pas t'auditionner.
Désolé.

Anonyme a dit…

Merci de vos deux réponses. C'est bien ce que je pensais, mais la publication des deux mentions "procédure en cours" et "non auditionné" ayant été publiée en même temps, un doute subsistait (il faudrait alors ajouter un "procédure terminée" ou différer les deux annonces). C'est ma première campagne, j'attends encore d'autres résultats en redoutant les autres surprises que me réservent Galaxie et ses expressions idiomatiques (il faut croire qu'un simple Oui/Non ou Gagné/Perdu n'était pas envisageable car épargnant trop effrontément les nerfs du prétendant MCF...)

mixlamalice a dit…

En fait, la "procédure en cours" désigne le recrutement lui-même, pas ton cas particulier.
En gros, ça veut dire que la commission s'est réunie, a décidé qui auditionner et va auditionner pour pourvoir le poste.

De manière générale, en tout cas dans mon domaine, si tu n'es pas au courant de ton audition directement par le biais de la fac ou d'un mail de la commission, c'est mauvais signe: le ministère est toujours le dernier au courant.

J'ai reçu il y a dix jours un courrier (du service du personnel de la fac) me convoquant pour une audition, galaxie vient de me le confirmer aujourd'hui...
De l'autre côté, je suis aussi bien placé pour savoir que cette même commission ou ce même service du personnel ne prennent pas toujours le temps de se fendre d'un mail ou d'une lettre te disant qu'au contraire, tu n'es pas auditionné...

Donc pour les recrutements, " pas de nouvelles" est plutôt "mauvaise nouvelle".

Anonyme a dit…

Pour information : Mixlamalice parle du service du personnel et de Galaxie comme de deux choses distinctes, mais je crois que ce n'est pas le cas : c'est le service du personnel lui-même qui rentre les résultats sur Galaxie, le ministère ne se mêle pas de toute cette procédure.
Bon courage à tous, l'attente est difficile...

mixlamalice a dit…

Ah oui c'est possible mais dans les faits, en ce qui me concerne, le service du personnel ou la commission de recrutement m'ont toujours contacté avant (parfois bien avant) que galaxie ne soit mis a jour...