mardi 7 avril 2009

Le calin du troll...

Le récit de mes nouvelles aventures 2009 a levé un troll. Chouette un troll! Ca faisait longtemps!

En général, le troll est renvoyé dans les trous noirs de la grande toile mondiale où on le laisse croupir dans la froide indifférence réservé aux pisse-froids de l'amertume.

Mais perso, j'aime bien les trolls, leur petit nez chafouin rigolo et leurs grands bras poilus. Ils ont le côté touchant des chiens de la SPA que personne n'adoptera parce qu'un de leurs yeux est opaque et que leur poil terne dégage une odeur pestilentielle.

Alors que je vois un troll, j'ai tout de suite envie de l'adopter. Donc je prends celui-ci dans mes bras et je le caresse dans le sens de son poil rêche en lui murmurant à l'oreille les réponses à tout ce qui n'appelle pourtant que silence.

Du coup, je posterai mon épisode 2 demain et lui fais un article rien qu'à lui parce que je pense que s'il avait eu plus d'amour dans la vie, il ne serait pas devenu si malheureux. Si vous voulez vous aussi aimer mon troll, n'hésitez pas à commenter en postant des :*. Vous avez son message complet dans le dernier article mais je le reprends point par point pour ne pas qu'il se sente négligé...

"Vous avez obtenu un diplôme, une thèse... Vous méritez une rente!N'est-ce pas? Même si les thèses mention très bien sont distribuées à tour de bras pour flatter l'égo des directeurs de recherches, et donc ne valent rien..."

Mon tout petit, mon mal-aimé, oui j'ai obtenu une thèse, mais tu te fais du mouron pour rien : je n'ai pas eu de mention très bien déjà parce que cela n'existe pas et surtout parce que mon directeur de recherche avait beaucoup trop d'ego pour accepter qu'un de ses disciples puissent se distinguer. Donc soit rassuré, je n'ai pas de mention qui ne vaut rien mais par contre tu as raison, j'ai une jolie thèse qui ne vaut pas grand chose comparée aux plus de 50 000 euros que l'Etat m'a honteusement versé pour la rédiger et que j'ai dilapidé en sous-vêtements fins et en spiritueux extatiques (mais, que veux-tu, joli Troll, quand on sait la douceur de la soie sur la peau tiède et la volupté d'un Talisker sur le palais, on oublie Lavoisier.)

"Promettrez-vous également un emploi aux étudiants que vous diplômerez si vous obtenez un poste?"

Je ne promets rien, je donne des outils qui rendent plus intelligents et mieux armés pour comprendre le monde et le faire avancer. Je sais, mon tout-petit, mon mal aimé, que tu me trouves utopiste, mais j'ai toujours été une éternelle optimiste qui pense que le monde ira mieux si les gens sont éduqués. Et que si je peux participer à cela, c'est sans doute la plus belle mission que je peux avoir en ce bas-monde. On est bête, n'est-ce pas, quand on a trente ans?


Est-ce parce que vos diplômes d'Universités ne vous permettent pas de trouver de travail ailleurs que vous postuler à une allocation enseignant chercheur?

Pas vraiment, et pour te dire la vérité, mon gentil poilu mal dégrossi, la plupart de mes amis ne comprennent pas ma volonté de m'engager dans une voie où je serai si mal payée. J'ai eu l'occasion de travailler dans le privé il y a deux ans avec un salaire plus que confortable pour une entreprise plutôt gentille qui me donnait des chèques vacances, des chèques emplois services et payait mon abonnement au club de gym et qui me proposait de m'engager pour faire de la recherche chez eux. Je dois être bizarre vois-tu mais j'ai dit non.... J'avais envie de retrouver un vieux bureau plein de papiers plutôt que mon bureau design d'univers marketé où le vide répondait en écho à la la vanité....

Peut être après avoir travaillé ailleurs (travailler donc), les assedics vous permettent d'envisager la "carrière" d'enseignant comme attractive (pouvoir ne pas travailler 2 mois de "grève" tout en étant payée en plus des 4 mois de congés payés...).

Oh, là, je te sens taquin, mon tout mignon. Comme je ne sais rien de toi, je t'avais imaginé vieil amer, mais tu es peut-être plus jeune que je ne pensais, ce qui te rend encore plus touchant quelque part. Je crois que tu ne connais pas bien le monde du travail et encore moins celui de la Recherche.
As-tu déjà pointé aux Assedic? Rien de plus déprimant.

As-tu déjà travaillé comme enseignant? Rien de plus éreintant.
Tu passes tes weekends à préparer des cours au lieu de jouer au frisbee avec tes neveux.
Et tu passes tes vacances dans des pseudo conférences scientifiques fréquentées de jeunes puceaux et de vieux libidineux au lieu de pavaner aux bras de jeunes éphèbes huilés sur des plages paradisiaques.
Et comme on est entre nous, je vais t'avouer un grand secret que tu ne répèteras pas : quand j'ai travaillé dans la Grande Compagnie dont je parlais plus haut, les 3 derniers mois, je n'ai rien fait du TOUT, mais rien du TOUT : le projet de R&D sur lequel j'avais été engagé avait entre-temps été supprimé par un N+3 et donc j'ai grandement amélioré mes scores à Démineur entre deux pauses cafés. Cela a fait partie des raisons pour lesquels j'ai voulu rejoindre l'Université.
Je suis une masochiste, j'adore mon boulot, j'adore me prendre la tête sur des questions compliquées, j'adore lutter la nuit contre une phrase d'article qui résiste, j'adore peaufiner et peaufiner des slides pour mes étudiants. C'est con, hein? J'y peux rien, j'aime ça. C'est pour ça que je veux être enseignant-chercheur. J'espère que tu n'es pas trop déçu car je suis consciente que c'est un peu fade et que tu aurais préféré des révélations, du croustillant, de l'inédit. "Je veux être chercheuse parce que ça fricote grave dans les back-rooms des conférences", "Je veux être enseignante parce qu'on a tous les ans en conférence des Tshirts gratuits et importables payés avec l'argent des contribuables". "Je veux être MCF parce qu'on peut piquer des livres à la fac sans trop de difficultés.
" Je suis désolée de te décevoir...

Vous semblez être tombée dans une piètre image des responsabilités des enseignants chercheurs et du service public...

"Piètre image"? Je ne sais pas, je continue de penser que c'est un des plus beaux métiers que je puisse faire et que si j'ai les aptitudes pour bien le faire, il faut que j'y aille au lieu d'aller vendre des déodorants aux nanocapteurs de phéronomes sensorielles ou d'aller imaginer des produits financiers pour vendre encore plus de climatiseurs aux Inuits pour qu'ils boivent encore plus d'alcool pour se réchauffer pour qu'ils achètent encore plus de médicaments contre la cirrhose.

Allez, ferme les yeux, mon gentil troll, une tite gorgée de Talisker et "Are you going with me?" de Pat Metheny et laisse toi un peu caresser le ventre. Tu verras qu'avec un peu d'amour, si on veut être heureux, on peut voir la vie jolie et que c'est drôlement bien...

6 commentaires:

malie a dit…

Comme quoi, l'intervention d'un troll peut faire du bien. Oui parce que ça fait du bien de lire ça.

De lire que je ne suis pas la seule à considérer ce métier comme une façon de donner des outils au plus grand nombre pour appréhender le monde, pour pouvoir avoir un esprit critique, pour avoir une vue la plus large possible.

Et peu importe qu'on nous traite de flemmards, de bons à rien, qu'on raconte partout qu'on est payés à ne rien faire (alors même que c'est l'exact contraire qui se passe, mais peu importe, chacun filtre les informations qu'il lit / entend en fonction de ses capacités — cf. outils etc., plus haut), peu importe qu'on nous accuse de tous les maux de la planète.

Oui, après tout, peut-être que les subprimes c'est nous, le changement climatique c'est nous, la disparition imminente des tigres et des orang-outans c'est nous, la pollution des nappes phréatiques c'est nous, la dégénérescence culturelle du peuple c'est nous, les fringues à deux balles fabriquées par des chinois prépubères c'est nous, l'excision et la reconstruction d'un hymen qui n'existe pas c'est nous,...

Alors, dans ce cas, je le dis fièrement : dans ce monde-là dont je fais partie, dont chacun de mes actes participe à ce résultat minable que l'on voit se dérouler sous nos yeux, oui je veux faire mon possible pour éviter ce que je vois arriver et que je n'aime pas. Il se trouve que je suis plutôt douée pour enseigner. Alors oui, je fais mon possible pour le faire. Même si les conditions de ce travail, qu'on le lise dans un sens (bande de flemmards gauchistes payés à rien foutre) ou un autre (travail acharné, mal ou pas payé, précarité et pression continuelles), sont archi-mauvaises. Sur ce dernier point, c'est sûr, nous sommes bien tous d'accord.

Voilà une bien longue digression... et un grand merci à ton gentil petit troll poilu pour me l'avoir permis.

Bonne route Pandore.

Marie-Luce et Bara a dit…

* Bien venu dans le monde des elfes, petit Troll...
Nous ne sommes ni âpres au gain, ni arrivistes, et nous nous soucions plus de l'avenir du monde que du notre propre.
Nous tentons de rester lucide sans pour autant perdre le sens de l'humour, et continuons d'avancer mus par un immense amour pour notre travail d'enseignant-chercheur et par la conviction que le monde sera bien meilleur et bien plus beau si nous partageons avec d'autres ce que nous avons réussi à en comprendre...
Ton agressivité nous afflige plus qu'elle nous blesse, car elle révèle l'immensité du fossé qui subsiste entre le monde des Troll et celui des Elfes.
Si tu veux comprendre petit Troll, reprend une gorgée de pur malt et écoute :
http://music.myspace.com/index.cfm?fuseaction=music.popupplayer&sindex=0.0&shuffle=true&amix=false&pmix=false&plid=15309&artid=8330865&profid=332613829&friendid=332613829&sseed=33436&ptype=3&stime=32.913&ap=1

Pandore a dit…

Mirza et Mnémosyne, je ne sais pas si nous sommes des elfes, des choses un peu bizarres dans un monde où vitesse, productivité et rentabilité sont mantras, mais je reste persuadée que l'Université reste le meilleur endroit où nous stocker...

Anonyme a dit…

Qui empêche de dispenser le savoir bénévolement? personne n'interdit de dispenser nos illustres savoir sans rente universitaire... et même... pour les plus motivés... nous pouvons nous corrompre en gagnant nos vies dans le privé, en faisant grève sans être payé pour affirmer nos convictions, tout en dispensant nos savoir bénévolement sur notre "temps libre"...
Mais bon... c'est moins confortable qu'en faisant des grèves payées par des salaires de fonctionnaires financées par la collectivité.
PFFFF... sont trop cool les zelfes rentiers du 16mes arrondissement...

mowglinomade a dit…

Je t'admire d'opposer tant de style, de douceur et d'humour à tant de mépris, d'ignorance et de méchanceté.Crois tu que ton baiser saura changer le troll en prince?

Anonyme a dit…

Alors?

A quand cette accadémic shame?

Le savoir n'est pas une marchandise!!!

Alors ne faisons pas comme ces enseignants chercheur véreux qui le vendent contre un salaire quand ils daignent assurer la transmission du savoir.

Ne faisons pas les trolls comme ces EC qui prennent l'argent public sans assurer le service public en faisant ce qu'ils appellent des grèves.
Nous ne sommes pas des voleurs qui touchent des salaires sans contre partie et sans nous soucier de nos étudiants.

Internet nous permet de transmettre le savoir en toute liberté sans nous corrompre dans des universités qui semblent être des refuges pour inadaptés sociaux.

Inutile de postuler Pandore, vous êtes trop pure pour entrer dans une université dégénérée.