
24 décembre, année 1 : Il n'y a pas de longs couloirs vides mais une pluie glaciale qui frappe aux carreaux. L'université est fermée, vacances obligatoires pour tout le monde. Mais j'ai des dossiers à préparer alors je suis chez moi devant l'écran qui digère son latex comme le bœuf de la crèche son foin. Dans la cuisine, des gâteaux cuisent pour le soir, une main à la pâte, un fil à la main, toujours ce fil du "il faut faire" attaché à mes pattes depuis la thèse. J'ai aussi un article à finir, un article sur mes travaux de doctorat, un article que je ne peux pas faire sur mon temps de travail puisque je suis désormais payée par le labo de l'année 1 pour faire tout autre chose.
24 décembre, année 2 : Il y a de longs couloirs vides et un silence inhabituel niché dans les moquettes beiges et bleues. J'ai apporté des pains d'épice pour les deux doctorants et le MCF qui a un rapport à finir. J'aurai pu prendre des vacances mais je n'ai que 17 jours de congés autorisés pour cette année alors il faut que j'économise en prévision des auditions. A la cantine, il y avait du foie gras figé sur des assiettes en faïence et des bûches de crème trop froide. Je partirai la semaine prochaine mais il faudra que j'avance un article sur les travaux de l'année 1 que je ne peux plus faire sur mon temps de travail puisque je suis payée par le labo de l'année 2 pour faire tout autre chose. Personne n'a envie de travailler alors on boit des cafés en mangeant du pain d'épice parce qu'on doit être là.
Les villes ont changé, les bureaux et les collègues aussi, les thématiques encore davantage. Ne reste tangible et palpable que ce besoin de vacances, l'esprit léger et l'écran blanc comme la neige d'un Noël qui n'arrive jamais.
Je m'aimerais assez en dindonne farceuse mais je dois avouer que cet après-midi encore, dans mon labo tout vide, je me sens dindonne de la farce.