mercredi 10 juin 2009

Les mains sales

Hauts les coeurs, Pandore is back, le temps du deuil et du silence est passé. On reprend son bâton de pèlerinette en se disant qu'on acceptera de le tendre une troisième fois l'an prochain pour se faire battre Pour Noël 2009, je veux une paire de menottes de suspension en latex, une camisole de force en cuir, une corde à bondage, un bâillon à clous et des pinces à tétons pour officialiser lors des auditions de 2010 mon statut de néo-masochiste pécressienne.

Il n'y a pas beaucoup de blogs ou de forum où les aspirants MCF peuvent mêler leurs larmes et leurs accolades fraternelles avant, pendant et après la curée. Mais en cherchant une information, je suis tombée sur le blog d'Hugues Kenfack où s'ébauchaient les échanges d'un embryon de communauté fort instructifs:

  • "Bordeaux m'a renvoyé il y a deux ans mon enveloppe de candidature, ce qui est très gentil... mais les enveloppes rapporteurs n'ont jamais été ouverte..."
(ben voui, mon petit, je l'ai vu faire dans mon labo aussi ce coup-là, puisqu'il y a le nom du candidat sur l'enveloppe, pas besoin de se fatiguer. Je me souviens de M. Mandarine, hilare : "on a reçu 70 dossiers, on va pas lire tout ça!" et sur la table deux piles : les dossiers qu'on allait regarder et les autres...)

  • "Joli coup à Perpignan! Une première lettre pour annoncer qu'on est auditionné le 3 juin, le lendemain une nouvelle lettre annulant la précédente et disant que finalement, ben non, zetes pas auditionnée ma bonne dame!"
(ben voui mon petit, j'ai aussi vu un secrétariat se planter de candidat lauréat sur un poste d'ATER en lisant mal le compte-rendu du comité, forcément on ne s'en est aperçu qu'à la rentrée quand le candidat officiel mais inconnu au bataillon est arrivé avec son petit cartable, sa chemise propre et bien repassée et sa lettre tamponnée : du coup, ils ont pris les deux, l'outsider looser qui avait été officiellement inscrit sur le papier et le lauréat désigné par le comité à qui on avait dit en juin qu'il était pris et qui avait déjà un bureau avec son nom dessus.)

  • "puisque le temps du bilan est presque arrivé, j'ai une question qui me tourmente depuis ma première audition... est-ce que quelqu'un a déjà vu, cette année, un extérieur être recruté?"
(ben non mon petit, les autres, je sais pas mais moi j'ai appris que le vrai candidat extérieur eest un cousin du dahu. Mais après, tout le monde a un ami d'ami qui a été recruté quelque part où il ne connaissait personne.)

  • "C'est clair que le classement n'a plus qu'un rôle symbolique lorsque le candidat classé premier, comme c'est le cas à Tours (ou dans d'autres villes !) sont des locaux..."
(ben oui mon petit, pire l'audition elle-même n'est que symbolique quand les auditionnés et le Comité de Sélection savent avant même le jour J qui sera pris comme à Gloomyland cette année.)

Si vous prenez le temps de lire les commentaires de cet article, vous y trouverez la quintessence de la campagne de recrutement telle qu'elle se pratique actuellement : la gène un peu honteuse du local recruté qui se justifie en rougissant un peu, l'absence assourdissante d'informations dont disposent les candidats avant, pendant et après, les craintes et les angoisses des auditionnés, la complète acceptation du localisme comme une fatalité...

Mais un message a particulièrement retenu mon attention, celui d'un lecteur au nom très approprié à l'issue de cette campagne, l'espoir fait vivre:
"Comment peut-on à la fois reprocher à cette chère Ministre de traiter les enseignants chercheurs comme des malpropres et, en tant qu'enseignant chercheur, se permettre de ne pas ne serait-ce qu'informer les candidats qu'ils ne sont pas admis à poursuivre le concours ?"

J'ai envie de poursuivre :

Comment peut-on reprocher à cette chère Ministre de traiter les enseignants chercheurs comme des malpropres et, en tant qu'enseignant-chercheur,...
  • faire déplacer 10 personnes pour recruter son candidat local;
  • faire déplacer 10 candidats mais ne pas se déplacer soi-même (cf le comité de sélection réduit au minimum légal de 6 personnes à Gloomyland);
  • refuser volontairement d'auditionner de trop bons candidats sous le prétexte qu'ils ne viendront pas parce qu'ils sont trop bons et avec surtout la peur au bas-ventre qu'ils fassent de l'ombre au Gloomy local;
  • ne pas informer les candidats des classements, même 4 semaines après l'audition alors que le CA de l'Université a entériné le truc;
  • dire à un excellent candidat classé second que "l'on ne s'inquiète pas pour eux vu la rare qualite de leur dossier" alors qu'on vient de recruter un local mauvais comme un pou mal coiffé;
  • poser des questions aussi fécondes que "et si on vous classe, est-ce que vous viendrez?" ou "comment expliquez-vous le fait que vous n'ayez pas été recruté l'an passé" alors qu'on recrute en local;
  • recruter un futur collègue avec qui on va passer quelques décennies en 8 mn?
Je reviens sur ce dernier point car il fait écho à une autre lecture indispensable à l'heure où s'achève encore une campagne aussi spongieuse que Bob le carré en mousse:
"Nous nous battons aujourd'hui pour défendre le temps non négociable nécessaire aux universitaires. Or le temps minimum n'existe même pas pour les candidats aux postes de maître de conférence. On sélectionne et jette aussi vite des universitaires en quelques minutes comme dans les pires entreprises."
"dix minutes d'Actors Studio valent plus qu'une réputation nationale déjà acquise ou dix à quinze ans d'expérience dans l'enseignement et la recherche."


Il y a quelques jours, se tenait encore une Academic Pride, et j'avais encore moins envie d'y participer que l'an passé parce qu'une fois de plus cette campagne n'a fait que matérialiser l'Academic Shame qui donne envie d'aller chercher si ailleurs l'herbe est plus douce.

Chers membres de KKK qui avez trimé en cette fin de printemps, et si la défense de la Recherche commençait au jour le jour dans vos labos au lieu d'aller battre le pavé pour défendre votre dignité, la voix haute dans le slogan mais les mains sales sous la banderole?